“Hikikomori”, solitudes picturales

Ymane Chabi-Gara explore en peinture et sur grand format le monde de ces jeunes isolés du monde, et convoque, pour ce faire, l’autoportrait.

08.07.2022

TexteClémence Leleu

© Ymane Chabi-Gara

Ymane Chabi-Gara est une jeune peintre installée à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine. Elle rencontre la peinture, qui va devenir son médium fétiche, à sa majorité. Après un passage à L’ENSAV La Cambre à Bruxelles, elle entre aux Beaux-Arts de Paris dont elle sort diplômée en 2020. Elle participe ensuite à plusieurs expositions et monte sa première exposition personnelle dans le cadre du Prix Sisley Beaux-Arts de Paris pour la jeune création, où elle présente Hikikomori

La peintre découvre la culture japonaise par l’intermédiaire de la scène musicale indépendante. Pour pouvoir échanger avec des mélomanes et lire les noms des artistes et des albums, Ymane Chabi-Gara apprend des rudiments de japonais et s’intéresse aux informations dédiées à l’archipel. C’est ainsi qu’elle tombe sur un article relatif aux hikikomori, ces jeunes qui vivent coupés du monde extérieur, enfermés volontaires dans leur appartement pendant parfois de longues années.

 

Un état d’isolement complet qui fait écho au confinement lié au Covid-19

« En 2018, j’ai pu étudier six mois à la Musashino Art University, et le fait de faire l’expérience du Japon dans ses aspects quotidiens m’a mieux fait comprendre les racines du phénomène. Cela m’a beaucoup aidée par la suite », explique Ymane Chabi-Gara qui imagine alors cette série de peintures afin de valider son master 2. 

« J’ai commencé cette série en novembre 2019, donc quelques mois avant l’apparition officielle du Covid-19 en France et le confinement qui a suivi. Ce n’était donc pas du tout en réaction à la situation mais une intéressante coïncidence », explique l’artiste, qui confie avoir toujours mené une vie assez solitaire, avec un isolement particulièrement intense de quatre ans entre son départ de Bruxelles et sa reprise d’études aux Beaux-Arts de Paris. « C’est sûrement pour cette raison que les difficultés des hikikomori ont résonné en moi d’une façon aussi forte. Le confinement m’a permis de me consacrer complètement à mon travail et à retrouver cet état d’isolement complet, ce qui se ressent sûrement dans les peintures. » 

 

Se confronter à son image

Sur ses oeuvres grand format, planches de contreplaqué sur lesquelles Ymane Chabi-Gara vient produire des effets de matière par couche successives à l’aide de laque acrylique, apparaissent des intérieurs souvent encombrés, au milieu desquels trône l’artiste, devenue elle-même protagoniste cloîtrée sur la toile. « Je me suis prise comme modèle parce que je voulais me confronter à ma propre image, me forcer à me regarder. Mais finalement, le fait que cette série représente des autoportraits est assez anecdotique car ces peintures ne me ressemblent pas littéralement, ce qui peut finalement leur donner un côté universel. »

Pour le décor, l’artiste s’inspire des photos qui illustrent les articles dédiés aux hikikomori, d’images qu’elle glane sur Google ou encore de captures d’écran de films ou de documentaires. Des visuels auxquels elle ajoute, lorsqu’elle les reproduit sur toile, des éléments issus de sa propre vie comme des pochettes d’album, des œuvres familières ou des couvertures de livre.

« J’aime beaucoup l’idée d’utiliser des images très facilement accessibles, disponibles. Il me faut surtout un élément dans l’image qui déclenche l’envie de peindre, souvent un détail ou un agencement de couleurs », explique Ymane Chabi-Gara. « Mais dans tous les cas je n’aimerais pas que l’on m’enferme dans des mouvances picturales précises, d’autant plus qu’il est très probable que mon travail évolue sur tout autre chose dans le futur. »

 

Plus d’informations sur le travail de Ymane Chabi-Gara sur le site internet de la galerie kamel mennour.

© Ymane Chabi-Gara

© Ymane Chabi-Gara

© Ymane Chabi-Gara

© Ymane Chabi-Gara

© Ymane Chabi-Gara