Izumi Kato, oeuvres non identifiées

Le travail de l'artiste est un terrain propice à l'imaginaire et au surnaturel, une zone de libre interprétation.

12.01.2021

TexteMarie-Charlotte

Izumi Kato, “View of Izumi Kato’s exhibition at Perrotin Paris” (2020) Photo: Claire Dorn ©2020 Izumi Kato. Courtesy of the Artist and Perrotin.

Ni des sculptures ni des peintures. Les œuvres d’Izumi Kato n’ont pas de noms. « Je ne sais pas ce que c’est », nous confie-t-il. Elles ne répondent à aucune identité bien qu’elles puisent a posteriori, et inconsciemment, leur essence dans la culture de l’artiste japonais. Ce sont de grandes silhouettes, plates, aux formes embryonnaires et humanoïdes composées d’un enchevêtrement de tissu, de métal et de broderie. Un imaginaire que façonne l’artiste depuis plus de vingt ans qui n’a aucune volonté d’expression, si ce n’est celle du spectateur.

 

Enchainées mais sans attaches

Étranges, ces œuvres captent le regard par leur anti-conformité autant que par leur gigantisme, certaines pouvant accaparer l’espace du sol au plafond. Elles ont cette franchise qui émane de l’art brut, cette spontanéité qui s’acquitte des codes de l’Histoire de l’art. Diplômé du département de peinture à l’huile à l’Université de Musashino en 1992, Izumi Kato est loin d’être exempt de toute culture artistique comme se définit le mouvement de Dubuffet. Il n’en apprécie pas moins cette liberté technique et cette autonomie de création.

De toutes leurs longueurs, elles se dressent face à nous avec paresse, soutenues au plafond par des chaînes alors que d’autres les maintiennent à terre par des poids aux allures de bébés. Des liens, des connexions que l’on pourrait penser filiales, mais qui ne témoignent rien de plus que d’un mode de conception. On retrouve des traits humains, des visages, des yeux, des seins, des sexes et des nombrils. Cette ressemblance n’a pourtant aucune vocation à s’ancrer dans la réalité. « Ce ne sont pas des personnes réelles, mais des formes humaines ». Comme nous, ils ont des jambes et des bras, mais sans extrémités, apodes, leurs membres s’affaissent à nos pieds, un alliage qui n’a pas de structure solide, les rendant fluides, voire léthargiques.  Ces contours ne sont qu’un prétexte, un levier de la création de l’artiste. Ce sont des formes simples, universelles, élémentaires comme celles des arts premiers, avec de surcroît ce charisme totémique qui nous happe à la première rencontre.

 

Se définir dans le regard de l’autre

Morceau par morceau, les œuvres s’assemblent à la manière d’un cadavre exquis. La tête et le corps sont cousus grossièrement. Comme interchangeable, chaque élément existe indépendamment, pourtant, l’ensemble semble fait pour être ainsi et pas autrement. Un aspect ludique qui se retrouve dans la mise en scène. Alors que quelques-unes des figures prennent toute la place, là-bas, dans ce petit bout de coin, un des personnages est assis, peut-être encore plus énigmatique que ses congénères. « Il a été délibérément créé pour que vous et d’autres personnes puissiez le voir et y réfléchir ». C’est le spectateur qui fait l’œuvre.

« Je ne crée pas mon travail pour tenter d’expliquer quoi que ce soit ». Les clés de compréhension sont donc laissées entièrement à l’observateur. « Le fait que vous pensiez à beaucoup de choses est bien pour moi, parce que je crée intentionnellement l’œuvre pour que vous pensiez à beaucoup de choses quand vous la regardez. Ce que le spectateur pense de l’œuvre est plus important que ce que je pense ». Si l’artiste injecte dans ses œuvres, presque à son insu, ses origines culturelles et l’animisme, c’est avant tout sa connaissance du monde qui nourrit son travail et lui permet de le poursuivre inlassablement. Une vision qu’il décline en peinture avec ces mêmes êtres surnaturels, dressant leurs portraits dans des nuances de couleurs vives qui intriguent tout autant la rétine et la matière grise. Sans noms, elles aussi.

 

Izumi Kato, Solo Show (2020), une exposition à la galerie Perrotin de Paris à retrouver sur le site internet de l’artiste.

Izumi Kato, “View of Izumi Kato’s exhibition at Perrotin Paris” (2020) Photo: Claire Dorn ©2020 Izumi Kato. Courtesy of the Artist and Perrotin.

Izumi Kato, “View of Izumi Kato’s exhibition at Perrotin Paris” (2020) Photo: Claire Dorn ©2020 Izumi Kato. Courtesy of the Artist and Perrotin.

Izumi Kato, “View of Izumi Kato’s exhibition at Perrotin Paris” (2020) Photo: Claire Dorn ©2020 Izumi Kato. Courtesy of the Artist and Perrotin.

Izumi Kato, “View of Izumi Kato’s exhibition at Perrotin Paris” (2020) Photo: Claire Dorn ©2020 Izumi Kato. Courtesy of the Artist and Perrotin.

Izumi Kato, “View of Izumi Kato’s exhibition at Perrotin Paris” (2020) Photo: Claire Dorn ©2020 Izumi Kato. Courtesy of the Artist and Perrotin.

Izumi Kato, “Untitled”, 2019 Oil on canvas 103 x 73 cm / 40 9/16 x 28 3/4 in. ©2019 Izumi