Kenichi Yokono, graver le quotidien
Ces gravures rouges sont une histoire d’oppositions, de contrastes, de confrontations entre les époques, les cultures, les sensibilités et les messages.
Kenichi Yokono, “Sleeping”, 2019
Initialement inspiré par les sujets de la culture manga japonaise contemporaine, les anime ou films d’horreurs, Kenichi Yokono a choisi de travailler à partir d’une technique traditionnelle, la gravure sur bois, mais sans réaliser la phase finale d’impression. Aujourd’hui, son œuvre se tourne davantage vers des scènes du quotidien, neutres.
Dans les compositions de l’artiste, basé à Kanazawa, apparaît un mélange de symboles, de codes qu’il convient de prendre le temps de décrypter. Les stéréotypes culturels y sont associés d’une manière singulière, l’imagerie pop-sucrée propre à la société japonaise est noyée dans un univers rouge, qui fut longtemps teinté de symboles sanguinaires, violents, cruels, pour au fil des années tendre vers des représentations que l’on pourrait qualifier d’expressionnistes. L’artiste, né en 1972, explique ainsi à Pen : « Je veux être joyeux ». Et cet objectif passe par un parti pris contre-intuitif. « J’essaye donc d’être positif en traitant de choses qui me rappellent parfois la mort. C’est parce que je crois qu’avoir une essence sombre rend le quotidien plus positif. »
Métaphoriques
L’utilisation du rouge est également un marqueur fort de l’œuvre de l’artiste. Un choix qui invite à questionner la part sombre de représentations qui, au premier regard, pourraient sembler innocentes, candides. « Le rouge est ma couleur préférée. Le rouge est beau et puissant. C’est la couleur du sang, qui représente la force vitale », poursuit Kenichi Yokono.
Longtemps caractérisé par une association de la culture kawaii à une sensibilité punk rock américaine, visant à pointer les contradictions inhérentes à l’environnement culturel japonais, Kenichi Yokono change d’orientation dans un nouveau cycle d’œuvres, réalisé dans le cadre d’une collaboration avec la Micheko Galerie (Munich, Singapour). Il choisit de représenter des marqueurs du quotidien, des symboles d’une vie urbaine dans ce qu’elle a de plus banal, apaisée, en dépeignant des scènes d’intérieur ou de loisirs.
« Il existe deux types d’histoires : celles qui sont imaginées à partir de la réalité et celles qui sont fantastiques, amenant vers d’autres mondes, mais pour moi, le point de départ est définitivement la vie quotidienne. Je pense que c’est parce que j’imagine des choses à partir de mon environnement immédiat que je suis en mesure de laisser plus de liberté d’interprétation au spectateur. Si nous parlons d’allégorie, alors je pense que toutes les peintures sont des métaphores. Le pop art et les films d’horreur font partie de ma vie quotidienne et je pense qu’ils sont très utiles. »
Quant à l’évolution de son travail, comme l’explique son galeriste Michele Vitucci, « les nouvelles œuvres sont plus tridimensionnelles. Elles sont réalisées en ajoutant un cadre aux panneaux de gravure sur bois. Parmi les réalisations que je trouve remarquables, un ensemble d’œuvres dédiées à des cérémonies du thé en plein air, où Kenichi Yokono s’est lancé dans la fabrication de céramique, en créant des tasses à thé. »
Le travail de l’artiste est à retrouver sur le site de la Micheko Galerie.
Kenichi Yokono, “Waiting for the New World”, 2013
Kenichi Yokono, “One-piece dress”, 2019
Kenichi Yokono, “Bamboos”, 2019
Kenichi Yokono, “Silhouette of Flowers”
Kenichi Yokono, “Tea for two”
Kenichi Yokono, “Tea for two”
Portrait by Thomas Kalak
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