Le Japon méconnu et agité de Tatsuo Suzuki
©Tatsuo Suzuki
Réputé pour ses « street photographies » en noir et blanc, nous avons eu le privilège de discuter avec Tatsuo Suzuki, l’un des photographes contemporains qui révèle le mieux l’époque dans laquelle nous vivons. Rencontre.
Natif de Tokyo, Tatsuo a fait ses armes au sein de l’école de photographie « Resist », qui était à l’époque dirigée par Masayuki Yoshinaga et Daido Moriyama. Deux figures emblématiques de la photographie japonaise, qui incitent vivement leurs élèves à se concentrer sur leur expression artistique personnelle plutôt que sur tous les éléments techniques autour de la photo, nous confie Tatsuo. Une liberté créative qui berce son art et nourrit son imagination dès ses prémices.
Aujourd’hui âgé de 54 ans, l’artiste commence véritablement à s’intéresser à la photographie en 2008 seulement, à l’âge de 43 ans.
« Aujourd’hui, je peux dire que ma carrière est une coïncidence. Un jour, j’achète un peu par hasard un appareil photo numérique, un « reflex » comme on les appelle. Je le teste assez rapidement et toute de suite ça a été comme une révélation. Je ne pouvais plus m’en passer, je l’amenais tout le temps et partout. Ce qui me fascinait c’était de pouvoir m’exprimer dans un laps de temps réduit. C’était un sentiment de liberté tellement agréable ! Je n’ai jamais pu m’arrêter depuis », explique le photographe.
©Tatsuo Suzuki
S’il commence la photographie sur le tard, il remporte pourtant dès 2013 le prix Photolux, catégorie PhotoVogue, face à 66.0000 concurrents internationaux. En 2016, il confirme une seconde fois son talent en étant le vainqueur de la première édition du « STEIDL Book Award Japan », qui lui permet d’éditer son premier ouvrage de photographies, à paraître très prochainement.
Une fibre artistique indéniable, qui se révèle un peu plus au fil des années à travers des portraits monochromes captivants et agités. Pourquoi utiliser seulement le noir et blanc ? Tatsuo nous explique que, selon lui, c’est la meilleure façon de définir la présence humaine, la passion des gens et ainsi d’illustrer au mieux leurs émotions. « Pour moi, utiliser la couleur c’est trop parler », ajoute-t-il simplement.
Son travail détonne par sa mouvance, sa spontanéité et ses différents cadrages, qui tous nous invitent dans l’intimité des passants. On découvre alors des visages paniqués, épuisés, passionnés, étonnés, heureux et parfois brisés. Une chose est sûre : Tatsuo réussit brillamment à retranscrire toute la puissance d’un être à travers ses photographies de rue qui témoignent sincèrement d’états d’âme pris sur le vif, tous différents, mais souvent déchirants.
©Tatsuo Suzuki
« Mes antécédents personnels ont forgé cette sensibilité qui m’anime depuis mon plus jeune âge. Et ce sont tous les sentiments que je ressens à travers le regard des gens qui me poussent à poursuivre la photographie. Au final, mon histoire est le fil conducteur de mon approche artistique. J’essaie de retranscrire au mieux des émotions que j’ai pu ressentir à un moment de ma vie et que je ressens de nouveau en croisant des passants. Des regards, des attitudes, un contexte qui me touche, qui m’inspire et que je capture instinctivement et immédiatement», poursuit Tatsuo.
Si certains regards semblent parfois transpercer l’objectif, Tatsuo ne demande pourtant jamais l’autorisation de photographier ces étrangers, nous admet-il. Vivement inspiré par Robert Frank, il souhaite avant tout capturer « l’instant décisif » et l’humanité dans sa globalité. À l’instar du photographe suisse, la rue et l’agitation de la ville ne cessent de nourrir sa passion.
Des instants presque volés et des scènes de vies poignantes qui dévoilent un Japon méconnu et de nombreux visages dans l’ombre d’une société meurtrie par ses excès. Des inconnus qu’il souhaite mettre encore plus en lumière grâce à son magazine « Tokyo Street », qui sort fin 2019. Ce bimensuel de 100 pages souhaite montrer Tokyo sous tous ses angles. Le troisième exemplaire est dores et déjà en ligne juste ici. Pour plus d’informations sur les prochaines expositions de l’artiste, on vous donne rendez-vous ici.
©Tatsuo Suzuki
©Tatsuo Suzuki
©Tatsuo Suzuki
©Tatsuo Suzuki
©Tatsuo Suzuki
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