Les arrangements d’Audrey Guttman avec le confinement

Quand le monde se replie sur soi lors de la pandémie de COVID 19, Audrey Guttman est chez sa sœur en Belgique. Loin de son atelier et de sa collection d’images découpées, elle pioche dans un livre d’art floral japonais pour réaliser ses collages. Quelques mois plus tard, elle réalise qu’à l’issue d’une année éprouvante, elle souhaite offrir cette série à ses soutiens et décide de l’imprimer sous forme de journal. Making Arrangements est désormais disponible pour le grand public.

« Pendant le confinement, les gens mettaient en scène leur intérieur en faisant des arrangements floraux ou en alignant des bougies. Ca m’a rappelé l’ikebana qui est une façon de mettre de l’ordre dans le chaos », confie l’artiste.

Après des études de sciences politiques et de la recherche en histoire de l’art, Audrey Guttman se tourne vers la pratique de l’art visuel. Elle crée des collages depuis toujours mais les montre depuis 2017. En 2020, elle a exposé une série autour de masques africains, dont elle collectionne les représentations, apposés sans démarcation sur des corps dénichés au hasard des magazines. Une œuvre conçue comme une critique féministe de la mode. Passionnée du Japon, Audrey Guttman a produit de nombreux collages tirés de ses voyages dans l’archipel.

Secouer l’ikebana

flower arrangements – a land of still life,
sheltering in space

an architecture like the cosmos
tiny and vast

– Extrait du deuxième poème

Dans Making Arrangements, Audrey Guttman entremêle collages et poèmes de sa confection. C’est la première fois qu’elle réunit les deux media. L’un existe sans l’autre mais les deux se complimentent. Aux mots répondent les images sur lesquelles l’artiste intervient le moins possible. Des aplats de couleur vive viennent servir de vase aux compositions florales en noir et blanc issues du livre. Les arrangements d’Audrey Guttman fonctionnent au contraste. Celui entre une nature sauvage et l’ordre de l’ikebana, un art très corseté secoué par l’artiste. Ou bien celui entre le végétal et l’humain, les plantes se faisant personnages et les corps adoptant la fantaisie des fleurs.

Le collage du feuillet central du journal répond à ce dernier. On y voit deux mains de couleurs de peau différentes entrelacées, qui donnent naissance, telles des racines, à un arbre fleuri. Une manière de célébrer le contact qui a cruellement manqué en 2020, comme l’exprime Audrey Guttman : « le collage était une façon de me reconstituer un monde ».

 Composer avec la réalité

it seems all we have done this year
is to make arrangements

adapting to the impossible
composing and recomposing our selves
putting things in order
planning for the hereafter

– Extrait du premier poème

Making Arrangements est un habile jeu sémantique sur la multiplicité des sens du mot « arrangement ». Le titre évoque l’arrangement floral bien sûr mais aussi tous ces compromis qui ont dû être trouvés pendant le confinement, notamment entre membres d’un même foyer. « D’un coup, on s’est mis à vivre les uns sur les autres et il a bien fallu composer, s’arranger », explique Audrey Guttman.

C’est pour les autres qu’elle a choisi d’imprimer ses compositions sur un journal, et non en format livre comme le font de nombreux artistes. Ainsi, le public peut facilement s’approprier l’objet. Le feuillet central est d’ailleurs conçu comme un poster, sans agrafes, détachable et signé, en attente d’être affiché. Making Arrangements a été imprimé en 150 exemplaires et les collages originaux sont aussi en vente, encadrés. Pendant le confinement, Audrey Guttman s’était aussi essayée à la création de vases en papier mâché, composés d’objets mis au rebut.

Making Arrangements (2020), une série de collages par Audrey Guttman imprimée sur un journal disponible à la vente à la Librairie sans titre à Paris, à la Librairie Peinture Fraîche à Bruxelles et sur le site internet de l’artiste.

La série Making Arrangements sera exposée du 18 au 27 mars 2021 au Hangar Photo Art Center de Bruxelles où Audrey Guttman installera un atelier de collage temporaire.