Les enfants ne jouent plus sur les glaces de la mer d’Okhotsk

Le projet “no human, no nature” de l'artiste Yoichi Kamimura examine les liens entre l’homme et son environnement.

23.09.2020

TexteHenri Robert

“no human, no nature” © Yoichi Kamimura

« Le Japon a été frappé par de nombreuses catastrophes ces dernières années, des tempêtes, des inondations, conséquences du changement climatique. » C’est autour de ce constat que l’artiste Yoichi Kamimura a réalisé le projet no human, no nature en 2019. Cette évolution est ici illustrée par des cartes postales de la mer d’Okhotsk, située entre la Russie et le Japon.

Né en 1982 à Chiba, l’artiste diplômé de la Tokyo University of the Arts travaille principalement à travers des installations, associant sons et vidéos, et s’intéresse notamment aux « différentes manières de percevoir le passé, le présent et l’avenir au regard des différentes cultures et religions à travers le monde », comme il le confie dans une interview à Pen.

 

 

Un quotidien bouleversé

no human, no nature est un projet singulier dans son œuvre si l’on considère le medium utilisé : des cartes postales achetées dans une maison de ventes. « Ces cartes datent d’époques différentes, mais toutes ces images nous montrent un moment où il y avait une épaisseur de glace suffisante [sur la mer d’Okhotsk]. » Le changement climatique a aujourd’hui un impact concret sur le cadre de vie des populations.

Comme le relate Yoichi Kamimura, au Japon, à Shiretoko Hokkaido, les habitants lui expliquent qu’il y a encore quelques années, ils pouvaient s’installer sur la glace pour « faire du feu, des apéritifs, faire la fête … des enfants jouaient, ce qui n’est aujourd’hui plus possible. Désormais, seuls des touristes en combinaison jouent, en étant accompagnés. » Pour illustrer cette évolution, les cartes postales sur lesquelles apparaissent des banquises de mer ont été « décolorées avec de la glace fondue ».

 

Une nouvelle écologie, humaine et non-humaine

Outre le choc provoqué par le tremblement de terre et le tsunami de mars 2011, la sensibilité de Yoichi Kamimura à cette question reflète son expérience personnelle et un cancer qu’il a combattu pendant trois ans. Si les thérapies pratiquées en Occident n’ont pas permis de juguler la maladie, celles dites orientales, oui. « Elles sont naturelles et visent généralement à maintenir la température corporelle pour créer une immunité. À cette époque, j’ai compris que la chaleur est un élément qui relie l’homme et la nature », poursuit l’artiste, mettant en lumière le paradoxe d’un changement climatique provoqué par l’augmentation des températures et d’une chaleur qui maintient la force vitale.

« Nous devons considérer une nouvelle écologie, humaine et non humaine. » Le travail de Yoichi Kamimura vise à trouver des moyens « de développer notre sensibilité à l’environnement qui nous entoure, au delà des données et statistiques car parfois, notre corps et nos sentiments captent plus distinctement le changement du monde. »

En 2019, la question de la mer d’Okhotsk l’amenait à dévoiler Hyperthermia, une installation réalisée en coopération avec la Hokkaido University CoSTEP, pour laquelle il a « effectué des enregistrements sonores en mer à différents endroits du monde. À partir de ceux-ci a été créé un paysage sonore qui comprend des sons captés autour de la banquise de la mer d’Okhotsk ».  Une oeuvre qui amplifie l’impact du réchauffement climatique qui provoque une disparition des sons émis par les mouvements des blocs de glace, désormais fondus.

L’œuvre de Yoichi Kamimura bouscule notre perception du changement, nous amène à l’écouter et à archiver ce que l’on ne considère généralement pas comme des marqueurs d’une époque ou d’un environnement. Pour anticiper une évolution désormais inéluctable.

 

no human, no nature (2019), un projet de Yoichi Kamimura à retrouver sur son site internet.

 

“no human, no nature” © Yoichi Kamimura

“no human, no nature” © Yoichi Kamimura