Masato Seto, s’isoler au vu et au su de tous

Créer un espace d'intimité dans un environnement urbain ; tel est le défi relevé par des Tokyoïtes dans la série de photographies “PicNic”.

24.05.2022

TexteHenri Robert

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

L’intimité est-elle nécessairement synonyme d’isolement ? Dans la série PicNic (1996-2005) le photographe Masato Seto capture des couples tokyoïtes qui partagent un moment, en public.

L’artiste, né en Thaïlande et établi au Japon, ancien assistant de Masahisa Fukase, a ici choisi un cadre identique à celui propre au travail d’un autre photographe japonais reconnu, Kohei Yoshiyuki, et à ses observations des voyeurs dans les parcs tokyoïtes. L’instant est fragile, les frontières aussi, l’appropriation et le partage de l’espace public l’est également. En ouvrant temporairement cet espace au regard du photographe, ces couples créent ce que le critique Koike Hiro’o qualifie de « pièces invisibles » dans le texte associé à la série.

 

Construire un moment

Les 58 clichés réalisés dans le Yoyogi Park ou la Futakotamagawa Green Area évoquent la peinture européenne du XIXème siècle, et particulièrement le Déjeuner sur l’Herbe (1863) d’Edouard Manet. Ici, une réalité est construite, et c’est notamment à travers une « nappe de pique-nique », en plastique, que se matérialise cette appropriation de l’espace par ces couples. À l’image de ce que l’artiste réalise depuis plus d’un demi-siècle, la série PicNic aborde, au-delà du cadre, la question du mode de vie, de la manière de s’adapter à son environnement.

Aucune consigne n’est donnée aux sujets, les visages et leurs expressions dépendent de la manière dont ils souhaitent s’engager dans l’instant, de ce qu’ils veulent dégager, du degré d’intrusion qu’ils autorisent. Certains semblent se montrer indifférents à la présence d’un tiers, de son objectif, d’autres non, c’est un récit sur la notion de frontière. « C’est justement là que je perçois l’existence du “réel” dans la fiction : dans l’acte de prendre des photos », résume Koike Hiro’o.

En écho à cette série, celle intitulée Living Room présente des portraits de Tokyoïtes — japonais ou non — à leur domicile. Ce travail lui a permis de remporter le prix Ihei Kimura en 1995.

 

L’œuvre de Masato Seto est à découvrir sur son site internet et sur celui de la galerie qu’il a co-créée, Place M.

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto

“PicNic” (1996-2005) © Masato Seto