Mémoire collective et science-fiction avec Fischer & el Sani
Le duo d'artistes vidéastes est allé à la rencontre des habitants de l'île d'Hashima, célèbre pour avoir été le décor du film “Battle Royale”.
Spelling Dystopia, HD, 2 channel video installation, 17 min., production still, 2009 courtesy the artists copyright VG Bild Kunst, Bonn, 2009 and the artists
Leur vidéo en double écran, Spelling Dystopia (2008), accompagnée d’une publication, a amené le duo Nina Fischer et Maroan el Sani à voyager jusqu’à l’île d’Hashima au Japon. Le lieu qui a été le plus densément peuplé au monde est désormais quasiment inhabité.
Les artistes ont, au fil des années, développé un vaste corpus d’œuvres prenant la forme de films, photographies et installations. Interrogeant la notion d’utopie au regard de l’avancée vers la modernité, leur œuvre se concentre notamment sur la représentation de l’espace urbain au regard de cette évolution. Ils s’intéressent ainsi à la manière dont ces espaces s’inscrivent dans l’histoire, la mémoire collective et les usages contemporains.
Un espace de vie aujourd’hui abandonné
« La densité de population à Hashima était plus importante que dans les quartiers les plus bondés de Tokyo aujourd’hui », expliquent les artistes à Pen. Entre 1887 et 1974 les mines de charbon de l’île ont joué un rôle déterminant dans l’industrialisation du Japon, mais lorsqu’elles ont été fermées en raison de l’épuisement des réserves de charbon, Hashima a été abandonnée. L’île est depuis le symbole de l’exploitation massive des ressources et a été le cadre de nombreux mangas et jeux vidéo en tant qu’île fantôme. Cette sinistre notoriété a été renforcée en 2002 lorsque Hashima a été mise en lumière par le sanglant film de science-fiction Battle Royale. « À l’époque, l’un de nos thèmes de recherche artistique était les lieux abandonnés comme métaphore des changements majeurs de la société » poursuit le duo.
L’histoire face à un futur fictionnel
Le film de Fischer et el Sani interroge les mutations de la mémoire collective à travers des récits croisés de l’histoire du lieu, du point de vue d’un ancien habitant de l’île et de deux lycéens, ces derniers racontant des fragments du tristement célèbre Battle Royale. « L’île apparaît presque comme leur fantaisie, un terrain de jeu imaginaire pour leurs jeux, où diverses images et couches de réalité et de fiction se sont déjà mêlées », expliquent les artistes. Fusionnant passé et futur, histoire et fiction, le film interroge une vision globale de l’île à travers la violence qui la caractérise et ce, sous des formes radicalement différentes.
« Depuis son apparition dans Battle Royale, l’île a acquis une image mystique, celle d’un lieu fantomatique dans l’imaginaire national. Il y a un glissement fictif de la mémoire collective. La mémoire évolue avec les contenus produits dans ces lieux. En réalisant une nouvelle œuvre dans un endroit comme l’île d’Hashima, nous ne ramenons pas seulement la mémoire dans le flux contemporain de la consommation des médias, nous influençons également la manière dont on s’en souviendra à l’avenir. »
Le prolifique duo produit un grand nombre de films, sculptures et photographies, autour de questions historiques et géographiques. En 2020, ils ont créé un film de 20 minutes, Appropriation takes you on a weird ride, une enquête sur ce qu’ils appellent sur leur site, « un étrange intérêt allemand pour les Amérindiens et les questions de racisme et de colonialisme. »
Spelling Dystopia est un livre qui accompagne l’oeuvre vidéo, publié par Christoph Keller Editions en 2012. Il réunit des croquis, du matériel de recherche, des photographies du tournage et un manga réalisé en collaboration avec l’artiste Kasuga Tsubaki. Le détail du projet est à découvrir sur le site des artistes.
Spelling Dystopia, HD, 2 channel video installation, 17 min., installation view Galerie Eigen+Art. Leipzig, 2009 courtesy the artists copyright VG Bild Kunst, Bonn, 2009 and the artists
Spelling Dystopia, HD, 2 channel video installation, 17 min., production still, 2009. courtesy the artists copyright VG Bild Kunst, Bonn, 2009 and the artists
Spelling Dystopia, HD, 2 channel video installation, 17 min., production still, 2009 courtesy the artists copyright VG Bild Kunst, Bonn, 2009 and the artists
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