Miwa Komatsu, l’art en état de méditation

L’artiste, adepte du live-painting, puise l'inspiration de ses oeuvres profondément spirituelles dans ses racines rurales.

05.02.2024

TexteRebecca Zissmann

Miwa Komatsu devant le Mont Saint-Michel © Tatsuya Azuma

Les couleurs vives jaillissent sur la toile, appliquées directement depuis le tube de peinture, avant que l’artiste ne les étale, travaille et transforme à la main ou au pinceau. Les gestes de Miwa Komatsu sont précis et sûrs. Pourtant, tout est improvisé lors de cette séance de live-painting qui s’est tenue en novembre 2023 avec le Mont Saint-Michel en arrière-plan.

La peintre originaire de la région montagneuse de Nagano a grandi en communion avec la nature. C’est de cet environnement qu’elle tire la source majeure de son inspiration pour un art habité par l’invisible. Peintures et sculptures comptent parmi ses techniques de prédilection. Son oeuvre, désormais renommée dans le monde entier, a rejoint entre autres les collections permanentes du Musée d’art préfectoral de Nagano, du British Museum et du World Trade Center.

 

Des œuvres colorées aux puissants traits de pinceaux

Dans ses œuvres, Miwa Komatsu représente des « esprits divins » et des créatures mythologiques. Petite, elle dit avoir fait la rencontre de “Yamainu-san”, une divinité à l’apparence d’un loup, qui l’aurait poussée à peindre. L’artiste semble affectionner particulièrement les komainu, des statues de chiens-lions souvent retrouvées à l’entrée des temples et sanctuaires au Japon où ils jouent le rôle de gardiens.

Son approche artistique est guidée par le concept de “Grande Harmonisation”, une idée qui s’oppose à celle de “Grande Accélération” souvent employée à propos du XXe siècle qui a vu une accélération des progrès scientifiques et techniques, et des communications. Pour Miwa Komatsu, la “Grande Harmonisation” consiste à réunir divers éléments sur son canevas jusqu’à ce qu’ils forment un ensemble cohérent, à la manière d’un mandala. Une harmonisation qu’elle souhaite voir se réaliser à l’échelle des sociétés humaines, de la nature et de l’espace. Son oeuvre “THE NEXT MANDALA – Home of Soul” réalisée au mont Koya en 2021 est emblématique de cette intention.

Miwa Komatsu considère que l’art est un rituel sacré. « Dessiner est pour moi une méditation », explique-t-elle dans une interview à Pen. « J’entre dans un profond état spirituel qui me permet de traverser différents univers et dimensions avant d’en peindre les enseignements sur la toile ». Une activité qui nécessite d’atteindre un certain état d’éveil. C’est pour cela que l’artiste a décidé de réemménager dans sa région natale et d’y établir son atelier, afin de s’écarter des distractions et de se consacrer à sa pratique, dans des conditions presque ascétiques.

Au fur et à mesure de son parcours, émaillé d’expériences spirituelles, son art s’est épuré et est devenu moins figuratif. Restent la puissance des traits de pinceaux, le dynamisme des compositions et l’éclat de ses choix de couleur. C’est ainsi qu’en 2013, après un pèlerinage au Grand sanctuaire d’Izumo, haut-lieu du shinto, Miwa Komatsu a décidé d’incorporer de la couleur à ses œuvres auparavant monochromes. Elle y aurait vu des rayons de lumière aux couleurs arc-en-ciel s’élever vers le ciel, symbolisant les prières des nombreux fidèles à s’y être rassemblés.

 

L’art comme une prière

« Créer est pour moi un cadeau des cieux », poursuit-elle. « Il n’est pas question d’ego, mes mains s’animent toutes seules. » Lors de rituels de live-painting, Miwa Komatsu tente de rendre à sa manière les enseignements qu’elle a reçus. Son approche de l’art comme une prière l’a amenée à réaliser des rituels de live-painting au sein même de lieux sacrés, tels que le sanctuaire Izumo ou encore le sanctuaire Itsukushima (sur l’île de Miyajima, dans le département de Hiroshima), par ailleurs jumelé avec le Mont Saint-Michel depuis 2009. Pour la première fois, lors de la séance réalisée sur l’îlot normand en 2023, l’artiste peignait au sein d’une abbaye.

En amont, Miwa Komatsu s’assure d’étudier l’histoire de la région qu’elle visite afin de lui témoigner respect et reconnaissance. Ses rituels de live-painting débutent d’ailleurs toujours par une prière de gratitude. L’artiste revêt un hakama blanc, l’instant est solennel. Elle prévoit en avance une quantité suffisante de tubes de peinture acrylique colorée dans lesquels elle piochera tout au long du rituel. Et puis, la transe créative peut débuter.

Au Mont Saint-Michel, Miwa Komatsu a peint deux tableaux devenus des offrandes votives. “Prière pour la paix”, sur lequel s’élèvent deux imposants dragons, qu’elle a dédié à Hatsukaichi, ville dont dépend le sanctuaire d’Itsukushima. Et “Prière de compassion” sur lequel s’élèvent des anges, que l’artiste a dédié à la ville du Mont Saint-Michel. A l’avenir, Miwa Komatsu souhaite continuer son cheminement spirituel et espère avoir l’occasion de réaliser d’autres rituels de live-painting à l’étranger, pourquoi pas en Israël.

 

Plus d’informations sur l’oeuvre de Miwa Komatsu sur le site internet de l’artiste.

 

Vidéo de Ko Oda (KOS-CREA)

© Tatsuya Azuma

© Tatsuya Azuma

Miwa Komatsu devant “Prière pour la paix” à gauche et “Prière de compassion” à droite © Tatsuya Azuma

“THE NEXT MANDALA - Home of Soul”, 2021

“Yamainu-sama - Protection”, 2018

“Speak No Evil - Yamainu”, 2022

“Did You Feel The Vibration Filling Your Soul?”, 2014