Rêves et émotions, des images plutôt que des mots
À travers la série “Girl”, le photographe Yoshiyuki Okuyama stimule ses souvenirs et les ramène à la surface.
“Girl”, 2012, Yoshiyuki Okuyama
« Lorsque nous dormons, nous organisons les informations recueillies pendant la journée. Couleurs, sons, odeurs, températures ; la joie aussi bien que la tristesse, les moments frustrants et ceux où nous étions en paix. Les gens que nous avons croisés, les moments que nous avons vécus. » Yoshiyuki Okuyama enregistre des émotions, des images qui restent gravées dans notre esprit. Celles-ci sont représentées dans la série Girl, primée en 2012 par le New Cosmos Photography Grand Prize, et republiée en 2019 par Bootleg.
Né à Tokyo en 1991, Yoshiyuki Okuyama est diplômé de la Faculté de droit de l’Université de Keio. Passionné depuis le lycée par la photographie, il en a fait son métier, entre pratique artistique et commerciale.
Chasseur de souvenirs
« Seules les informations jugées utiles seront mémorisées, ce processus d’organisation, lorsque nous nous en souvenons, est ce que nous appelons des rêves. Ils commencent à s’estomper au moment où nous nous réveillons, avant de devenir ce que nous voyons comme des souvenirs d’un passé lointain. Cette série est une exploration photographique de ces images mentales et de cette mémoire émotionnelle », poursuit l’artiste dans le texte associé à la série.
Ces prises de vues aléatoires, les grains utilisés, l’intensité créée à partir de ces images capturées, permettent à l’artiste d’emmener le public dans une intimité qui interrogera ses propres souvenirs, le sens de ses rêves. Les photographies réunies dans Girl présentent notamment des draps, des rideaux, des symboles du rêve, de la manière dont ces textiles peuvent nous permettre de nous couper de la réalité, mais également de nous évader. Les changements de focus permettent d’évoquer la stimulation du souvenir, sa répétition dans notre cerveau, les nuances apparaissant à chaque fois que ces souvenirs refont surface. Dans l’ouvrage publié, ces photographies sont parfois subtilement retouchées, pour faire réapparaître habilement la même image, qui devient l’expérience du lecteur de ses propres souvenirs et de ses rêves répétés dans l’acte de lecture.
Pour s’éloigner de la brutalité du langage, des mots clairs et précis qui définissent avec précision une pensée ou une image, Yoshiyuki Okuyama choisit la photographie. Pour lui, elle est synonyme de la liberté du public d’interpréter ses clichés sous une diversité d’angles et elle laisse au photographe la possibilité de ne pas effacer l’ambiguïté, le caractère flottant des émotions.
En 2020 une nouvelle série, intitulée The Good Side était publiée par les Éditions Bessard. Également très personnelle et intime, elle permettait à l’artiste de nous « inviter dans sa lune de miel et capturer ces moments personnels pour qu’ils soient éternellement présents. »
Girl (2012), un livre de photographies par Yoshiyuki Okuyama, publié en 2019 par Bootleg.
“Girl”, 2012, Yoshiyuki Okuyama
“Girl”, 2012, Yoshiyuki Okuyama
“Girl”, 2012, Yoshiyuki Okuyama
© Bootleg
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