Robert Rauschenberg et le Japon, récit d’une collaboration

Au début des années 1980, l'artiste contemporain américain découvre le potentiel de la céramique japonaise à Shigaraki.

29.04.2022

TexteHenri Robert

Robert Rauschenberg All Abordello Doze 2 (Japanese Recreational Claywork), 1982 Transfer and glaze on high-fired Japanese art ceramic 134,7 x 133,3 cm (53 x 52 1/2 in) 82.089 (RR 1234) Courtesy The Robert Rauschenberg Foundation and Thaddaeus Ropac gallery | London · Paris · Salzburg · Seoul © The Robert Rauschenberg Foundation / ARS, New York 2022 Photo: Ron Amstutz

Icône de l’art contemporain américain, Robert Rauschenberg (1925-2008) a assuré la transition entre l’expressionnisme abstrait et le pop-art dans les années 1950, tout en refusant d’être affilié à un mouvement. Associant matières, symboles, cultures et sources, il entame au début des années 1980 une collaboration avec l’Otsuka Ohmi Ceramics Company (OOCC) à Shigaraki, au Japon.

Ce projet s’inscrit dans la continuité de deux séries fondatrices : Combines (1953-1964) — des œuvres hybrides associant peinture, collage, objets de la vie quotidienne —, et Spreads (1975-1983), pour laquelle il utilisait des images transférées et sérigraphiées ainsi que des assemblages, parfois au sein d’importantes installations. Au Japon, il poursuit ce travail en intégrant  la technique propre à la fabrication de la poterie japonaise et une imagerie inspirée de la culture de l’archipel — ancienne et moderne.

 

Échanges interculturels

Robert Rauschenberg souhaite développer le dialogue interculturel et le partage des compétences, notamment artisanales. Sensible à la culture japonaise, il a emprunté le titre d’une de ses installations Famous Murders with Poems à Yoshitoshi, maître japonais de l’estampe au XIXème siècle. Dans le cadre de son association avec l’OOCC, il travaille avec des chimistes japonais « pour créer des émaux qui lui permettent de reproduire ses photographies sur de la céramique, » donnant naissance à la série des Japanese Clayworks (1982/1985). Ces œuvres portent la marque de leur lieu de réalisation en intégrant des motifs trouvés sur des céramiques japonaises, tandis que la signature « traditionnelle » de l’artiste est complétée par une translittération de son nom de famille en kanji, une forme d’écriture japonaise adaptée des caractères chinois.

Alors que ses œuvres cuisent dans les fours de l’OOCC, il découvre dans les ateliers différentes reproductions de chefs-d’œuvre historiques de l’art occidental, qui lui inspirent une seconde série, intitulée Japanese Recreational Clayworks (1982–83/1985). Ces œuvres sont composées de panneaux de céramique préfabriqués auxquels l’artiste ajoute des images du Japon contemporain issues de ses propres photographies ainsi que des coups de pinceau. Edgar Degas, Léonard de Vinci, Jean-François Millet ou encore Jacques-Louis David rencontrent le Japon.

L’expérience japonaise a conduit à la création du Rauschenberg Overseas Culture Interchange (ROCI), — prononcé “Rocky”, du nom de la tortue de compagnie de l’artiste. L’initiative visant à soutenir les talents artisanaux locaux est ensuite exportée dans dix pays entre 1984 et 1991, dont le Japon. En 1987, l’artiste déclarait à ce propos que « collaborer évite de rester borné autour d’une idée qui vous aveugle […] En associant quelqu’un à votre projet, vous décuplerez les possibilités. »

Si des œuvres issues de ces deux séries avaient été montrées en 1982-1983 dans la prestigieuse galerie Leo Castelli à New York, certaines sont aujourd’hui présentées pour la première fois en dehors du Japon à l’occasion d’une exposition organisée par la galerie Thaddaeus Ropac à Salzbourg, en Autriche (8 avril-9 juillet 2022), en collaboration avec la Robert Rauschenberg Foundation.

 

Japanese Clayworks (2022), une exposition d’oeuvres de Robert Rauschenberg qui a lieu à la galerie Thaddaeus Ropac de Salzbourg du 8 avril au 9 juillet 2022.

Robert Rauschenberg Pneumonia Lisa (Japanese Recreational Claywork), 1982 Transfer and glaze on high-fired Japanese art ceramic 81,8 x 220 cm (32 1/4 x 86 5/8 in) 82.087 (RR 1233) Courtesy The Robert Rauschenberg Foundation and Thaddaeus Ropac gallery | London · Paris · Salzburg · Seoul © The Robert Rauschenberg Foundation / ARS, New York 2022 Photo: Ron Amstutz

Robert Rauschenberg Dirt Shrine: East (Japanese Claywork), 1982 Transfer and glaze on high-fired ceramic 304,5 x 458,2 x 163 cm (119 7/8 x 180 3/8 x 64 1/8 in) 82.081 (RR 1232) Courtesy The Robert Rauschenberg Foundation and Thaddaeus Ropac gallery | London · Paris · Salzburg · Seoul © The Robert Rauschenberg Foundation / ARS, New York 2022 Photo: Ron Amstutz