Seiichi Furuya & Christine Gössler, l’amour et la violence, face à face
35 ans après le suicide de sa femme, le photographe met en scène ses portraits face aux siens dans “Face to Face”, pour lui rendre hommage.

Graz, 1978 (c) Seiichi Furuya & Christine Gössler / Chose Commune
Depuis le décès de sa femme Christine Gössler — qui s’est défenestrée en 1985 — le photographe Seiichi Furuya a dédié cinq livres à son œuvre et à leur relation, dans une série intitulée Mémoires, publiée entre 1989 et 2010. En 2020, Face to Face offre 150 paires de photographies prises au fil de sept années de vie partagée.
Fondateur du magazine Camera Austria, Seiichi Furuya quitte le Japon en 1973 pour s’installer en Autriche, à Graz. Sa vie et son œuvre basculent en 1978 lors de sa rencontre avec Christine Gössler, étudiante en Histoire qui se tournera par la suite vers le théâtre. Si la première partie de son œuvre est dédiée aux scènes du quotidien des métropoles d’Europe de l’Est, Seiichi Furuya se consacre, dès sa rencontre avec Christine, à la photographie de portrait de sa femme, seule ou avec leur enfant. En 1984, la famille déménage à Dresde, puis à Berlin-Est, où Seiichi Furuya — qui ne vit pas encore de la photographie —, occupe un emploi d’interprète. Le 7 octobre 1985, qui marque le trente-sixième anniversaire de la RDA, Christine, qui souffrait de schizophrénie, met fin à ses jours.
Instants partagés
En 2018, la découverte par Seiichi Furuya de photographies prises par Christine Gössler avec un petit appareil de poche et un 35mm lui permet de rassembler de nombreux autoportraits, réalisés par sa femme dans les mêmes moments où lui la photographiait. Ces photographies, prises à leur domicile ou lors de séjours en Allemagne, au Japon, en Italie ou en Autriche, montrent parfois un quasi mimétisme, tandis que d’autres associent une attitude dans un environnement ou une posture différents. Elles mettent en lumière une complicité touchante dans des instants banals du quotidien.
Comme il l’expliquait en 1980 au magazine Camera Austria (des propos repris par ArtForum): « En elle, je peux voir la femme qui passe devant mes yeux, je peux voir le modèle, parfois la femme que j’aime, et parfois la femme qui est en moi. Je sens que c’est mon devoir de continuer à photographier la femme qui signifie tant pour moi. Lorsque je suis face à elle, pour la photographier, puis en la voyant sur les photos, c’est comme si je me voyais en même temps, que je me découvrais. »
Outre les précédentes séries dédiées à sa femme, les premiers travaux de Seiichi Furuya emmènent le public dans les rues de Tokyo, Istanbul, ou Amsterdam.
Face to Face (2020), un livre de photographies par Seiichi Furuya & Christine Gössler, publié par Chose Commune.

Graz, 1979 (c) Seiichi Furuya & Christine Gössler / Chose Commune

Graz, 1979 (c) Seiichi Furuya & Christine Gössler / Chose Commune

Izu, 1978 (c) Seiichi Furuya & Christine Gössler / Chose Commune

Izu, 1978 (c) Seiichi Furuya & Christine Gössler / Chose Commune
LES PLUS POPULAIRES
-
L’église flottante de Tadao Ando
L’architecte, célèbre pour ses créations en béton brut, signe “Church on the water”, une chapelle entourée de nature sur l’île d’Hokkaido.
-
“Mirai-chan”, face à face avec l'innocence propre à l’enfance
Pour ce livre publié en 2011, le photographe Kotori Kawashima suit la découverte des joies et peines du quotidien d'une petite fille.
-
Yozo Hamaguchi, jouir de l’obscurité
Les gravures de l’artiste ont le pouvoir de faire émerger des profondeurs les éléments représentés, se jouant des plans.
-
Mokuren, des couteaux japonais pour tous
Imaginés par Elise Fouin et le coutelier Yutaka Yazaki, ces ustensiles s’adaptent au marché européen sans sacrifier à la technicité nippone.
-
Kanji Hama, fier représentant de la teinture à l'indigo
L'artisan est l’un des derniers Japonais à réaliser à la main et à appliquer cette teinture, selon la technique ancienne du “katazome”.