Shiori Tono, la mémoire pixelisée
À travers ses toiles, l’artiste japonaise interroge notre rapport à l’image, à sa digitalisation et à la mémoire qui lui est associée.
Shiori Tono, “Friday”, 2018 © Maki Gallery
Des fragments de mémoire, centimètre par centimètre. Entre le pointillisme de Seurat et les mosaïques d’Invader, Shiori Tono dessine une grille sur des photographies imprimées, comme pour récupérer une mémoire partiellement perdue, elle transfère l’image sur la toile, carré par carré.
Des images noyées
L’artiste, née en 1994 dans la Préfecture d’Oita et récompensée en 2018 par le Wasaku Kobayashi Encouragement Prize, suit toujours le même processus : sur une photographie, elle réalise des carrés avec du ruban adhésif, de 3cm par 3cm. Elle reproduit avec de la peinture ces carrés sur une toile, les uns après les autres — le carré voisin est alors masqué au moment de l’application de la peinture. Le ruban adhésif est ainsi collé et retiré à plusieurs reprises, dégradant petit à petit l’image, allégorie de la perte de mémoire, déjà fragmentée. Parmi les inspirations de l’artiste, des photographies récupérées dans les archives familiales, ou des clichés qu’elle a elle-même pris, à l’image de celui d’une maison singulière aperçue lors d’une balade, et dont les contours s’effacent, dans la végétation environnante.
Dans une société saturée d’images numériques, celles-ci sont négligées et noyées dans la masse, quand d’autres sont compressées et pixelisées afin d’être stockées. « Shiori Tono capture ces “souvenirs” instables et incertains, observant sereinement leur incomplétude et leur non-séquentialité, et les transforme en œuvres d’art », synthétise le texte accompagnant une exposition de son travail à la Maki Gallery de Tokyo.
Le travail de Shiori Tono peut être découvert sur son site internet.
Shiori Tono, “Hide and Seek”, 2019 © Maki Gallery
Shiori Tono, “20:42:09”, 2019 © Maki Gallery
Shiori Tono, “Matataki”, 2019 © Maki Gallery
Le procédé de travail de Shiori Tono
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