Yuji Hiratsuka, un regard libre et sarcastique
Dans ses gravures, l’artiste ne dévoile que des indices. Il préfère s’en remettre à l’imprévisible, au hasard de l’interprétation.
“Retro mode” (2019)
Ce n’est pas dans le regard des personnages dépeints dans les gravures de Yuji Hiratsuka que l’on décèlera de la satire, de l’humour ou quelconque sentiment. Pour la simple raison que leurs yeux ne sont pas représentés. Pour autant, la manière qu’a l’artiste de jouer avec les références culturelles, les couleurs, les mises en scène, invite le public à y lire un message. Comme l’explique Yuji Hiratsuka à Pen, « en ne représentant pas tous les traits du visage (pas d’yeux) le spectateur peut davantage faire appel à son imagination…. J’aime l’ambiguïté. »
Graveur confirmé, l’artiste né en 1954 à Osaka s’est installé en 1985 aux États-Unis pour poursuivre ses études supérieures en gravure. Un voyage sans retour, car il enseigne cette technique à l’Oregon State University depuis plus de 30 ans.
Des oeuvres inspirées d’une impressionnante collection d’archives
L’œuvre de Yuji Hiratsuka est figurative. Un travail d’interprétation est toutefois nécessaire afin d’y déceler les métaphores et symboles qui s’y cachent. « J’intègre à mes œuvres un peu du style ukiyo-e (très plat, décoratif, lumineux, etc.) associé au style occidental, notamment vestimentaire (américain)… »
L’artiste, sensible à la tradition zen, aime ainsi simplement suggérer, donner des indices. Sa première source d’inspiration se trouve dans ses archives, composées de photographies, principalement en noir et blanc, glanées dans des livres, magazines ou journaux. Les gravures de Yuji Hiratsuka présentent des sujets vêtus dans un style moderne, tandis que des éléments de la culture contemporaine apparaissent également, à l’instar de la « Cup Noodles » dans l’œuvre Cups, wings, fortune teller, (2021). On y trouve aussi des éléments métaphoriques tels que des fruits, légumes, animaux ou encore du mobilier. Pourtant, d’autres marqueurs renvoient aux gravures sur bois notamment pour ce qui est du ton et des couleurs, de la mise en scène.
« Taquiner la société »
Mais ce qui est constamment cité en premier lorsque sont évoquées les gravures de Yuji Hiratsuka, c’est la non-représentation des yeux des figures humaines dépeintes. Ce choix est motivé par une volonté de ne pas pénétrer dans l’intimité des personnages, l’artiste considérant les yeux comme les plus à même de dévoiler les sentiments du sujet — ce choix amène donc le public à faire un travail d’interprétation.
Cette dimension aléatoire, inattendue, repose également sur la technique employée par l’artiste ; un complexe processus de gravure. « Je souhaite toujours obtenir une texture imprévisible, qui est imprimée à partir de la surface gravée de la plaque de cuivre. Mes gravures explorent la relation complexe du papier, de l’encre et des plaques gravées et ce, afin de décrire ma pensée, ainsi que la relation qui s’établit entre les figures et l’espace pour exprimer d’autres expériences humaines », explique Yuji Hiratsuka. Sa démarche vise à suggérer plutôt qu’à exprimer. Ses sujets sont présentés en action, tandis qu’il duplique fréquemment les visages et les corps au sein d’une même gravure.
Une question demeure, y a t-il un message, une opinion dans cette œuvre ? « Oui, je taquine la société, la culture, je me moque, mais je le fais d’une manière très juste. Je ne veux pas me lancer dans une conversation sérieuse, me disputer ou froisser le public. Mais je veux tout de même intégrer un peu de sarcasme, de l’ironie… »
Le travail de Yuji Hiratsuka est à découvrir sur son site internet.
“Cups, wings, fortune teller” (2021)
“Making a flight schedule into the Forest” (2021)
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