Le Tokyo de Ryue Nishizawa
Ila Bêka et Louise Lemoine suivent l’architecte à bord de son Alfa Romeo. Ils en tirent “Tokyo Ride”, un film suspendu, en noir et blanc.
© Bekâ et Lemoine
Au départ, il y a une idée simple mais ambitieuse : suivre dans son quotidien Ryue Nishizawa, architecte japonais renommé, moitié du duo derrière le cabinet SANAA avec Kazuyo Sejima. Une équipe à laquelle on doit notamment le Louvre Lens, et qui fût récipiendaire du prestigieux prix Pritzker en 2010.
Le décor maintenant : la tentaculaire Tokyo et Giulia, l’Alfa Romeo vintage de l’architecte, l’autre personnage phare de ce road movie en noir et blanc. Une diva choyée mais capricieuse, qui, par moment, irait presque jusqu’à voler la vedette à son propriétaire. Et enfin, derrière la caméra : Ila Bêka et Louise Lemoine.
A hauteur de chat
Ces deux réalisateurs et producteurs de films s’attellent, depuis le début des années 2000, à expérimenter de nouvelles formes narratives pour raconter ce que l’architecture et l’environnement urbain disent d’un pays, d’une ville, et de ceux qui y vivent. « La façon dont Ila Bêka & Louise Lemoine regardent l’architecture est similaire à la vision d’un chat qui se promène dans les bâtiments de la ville. C’est une façon très intéressante de voir les choses », confiera à leur adresse Ryue Nishizawa.
Tokyo Ride est un film pluvieux, à l’itinéraire parfois bousculé par le réseau routier tortueux de la capitale japonaise et aux haltes contrariées par des fermetures intempestives. Mais ces petites contrariétés sont assurément ce qui fait le sel des voyages les plus réussis. Pendant 90 minutes, Ryue Nishizawa s’interroge sur sa pratique de l’architecture, sur la société japonaise, son rapport au monde, à la nouveauté. Il emmène avec lui le spectateur d’un temple bouddhiste aux bureaux du cabinet SANAA, en passant par son restaurant de soba fétiche, avant de marquer une halte dans la maison qu’il a créée pour son associée et amie Kazuyo Sejima. Et, alors qu’il est déjà l’heure de regarder la lune au son de l’Elisir D’amore d’Enrico Caruso, avant de voir Giulia s’effacer dans la nuit tokyoïte, il ne reste qu’un regret : ne pas reprendre ce périple le lendemain.
Passionnés par le Japon où ils ont vécu six mois, Ila Bêka et Louise Lemoine ont signé d’autres films sur le sujet dont Buto House où l’on découvre le projet architectural un peu fou de Keisuke Oka, ou encore Moriyama-san, une plongée dans le quotidien de celui qui vit dans l’emblématique Moriyama House, signée Ryue Nishizawa.
Tokyo Ride (2020), un film réalisé par Ila Bêka et Louise Lemoine disponible en VOD sur Vimeo.
© Bekâ et Lemoine
© Bekâ et Lemoine
© Bekâ et Lemoine
LES PLUS POPULAIRES
-
“Buto”, la danse des ténèbres révolutionnaire
Né dans un contexte d’après-guerre rythmé par des mouvements contestataires, cet art subversif rejette les codes artistiques traditionnels.
-
Jinbocho, le quartier des libraires de Tokyo
Les environs de Chiyoda-ku sont réputés pour leurs librairies d'occasion, maisons d'édition et autres curieux antiquaires.
-
Les plats alléchants des films du Studio Ghibli sont bien plus que des détails
La nourriture, souvent inspirée de recettes appréciées des réalisateurs, est un élément majeur de l'intrigue de ces films d'animation.
-
La tradition des œufs noirs du volcan de Hakone
Dans la vallée volcanique de Owakudani, de curieux œufs noirs aux vertus bienfaisantes sont cuits dans les eaux sulfuriques.
-
Le bondage fait art par Hajime Kinoko
L'artiste transcende la pratique du “shibari” dans des oeuvres où les fils et non plus les corps prennent la vedette.