“Nagasaki”, solitudes solidaires

Kobo Shimura mène une existence tranquille, solitaire et où chaque geste est pesé, chaque déplacement chronométré. Ce météorologiste de 56 ans, qui vit dans une petite maison face aux chantiers navals de Nagasaki, ne laisse aucune place ni au hasard ni à l’improvisation. Alors, quand un jour il se rend compte que quelques fruits ont disparu, que le niveau de sa bouteille de jus a baissé sans qu’il ne se rappelle en avoir bu, et que les quantités de nourriture stockées dans ses placards se réduisent de plus en plus, il commence sérieusement à se poser des questions. 

Une question de point de vue

Pour tenter de percer le mystère, il installe une minuscule caméra dans sa cuisine, espérant ainsi obtenir une explication à cet étrange phénomène. C’est ainsi qu’il découvre qu’une femme vient régulièrement visiter sa maison et particulièrement ses placards. Sa réponse est implacable : Shimura-san prévient la police qui vient arrêter la visiteuse clandestine. Elle confiera alors aux officiers une information qui va venir bouleverser le petit monde sans vague de Kobo Shimura : cette femme de 58 ans a non seulement reconnu venir visiter cette maison régulièrement, mais surtout avoué qu’elle y avait vécu pendant près d’un an, dans une armoire d’une pièce non occupée de la bâtisse. 

Ce court roman, inspiré d’un fait divers survenu à Fukuoka, questionne l’altérité, mais permet aussi, par sa narration habile, de démontrer à quel point l’analyse que l’on porte sur les choses peut être chamboulée, une fois qu’un point de vue différent prend sa place dans le récit. Nagasaki a reçu en 2010 le Grand Prix du roman de l’Académie Française. Eric Faye est un romancier et essayiste français né en 1963. Il a publié plusieurs ouvrages ayant pour thème le Japon dont le récit de voyage Malgré Fukushima, journal japonais (2014) ou encore Fenêtres sur le Japon.

Nagasaki (2010), un roman de Eric Faye publié aux éditions Stock.