“Sanctuary” d’Arca et Ryuichi Sakamoto, une surprenante utopie
Le compositeur japonais fait une apparition dans le projet multi-album de la productrice expérimentale vénézuélienne, avec la série “Kick.”

Photo de gauche : Umax LaFuente. Photo de droite : Jasper Bernbaum
En décembre 2021, en l’espace d’une semaine, la célèbre artiste vénézuélienne Arca — autrice-compositrice, interprète et productrice de musique électronique —, sortait une stupéfiante série de quatre albums. Lancée en 2020 avec Kick 1, sa série Kick est un ambitieux projet marquant un nouveau chapitre de sa carrière. Mais ici, au milieu du tourbillon de sons, s’est glissée une chanson produite en collaboration avec le célèbre compositeur japonais Ryuichi Sakamoto, soulignant une fin d’album des plus énigmatiques.
Les époques se rencontrent
Dans kiCK iiii, le mystérieux chant “Sanctuary” relie les expériences psychédéliques de l’avant-pop queer d’Arca à l’electro cinématographique et ambient music de Ryuichi Sakamoto. Alors que des sons spectraux ondulent dans un univers particulièrement sombre, Ryuichi Sakamoto prononce un étrange discours : « Demandant de se souvenir, de reconnaître l’extraterrestre en soi. Dignité dans l’abject… » On peut également entendre la voix d’Arca tourbillonner et s’estomper comme c’est de rigueur dans son univers sonore si singulier.
Ryuichi Sakamoto et Arca semblent émerger de sphères musicales lointaines. Le premier est un compositeur classique, ayant collaboré à des chefs-d’œuvre du cinéma japonais, passé par la synthpop des années 1980 (notamment par le Yellow Magic Orchestra). Arca est une diva, nominée aux Grammy Awards, star de l’underground queer dont les sonorités de club maximalistes et les rythmes latino sombres ont participé à la définition de la scène musicale de notre génération. Ils ont pour autant tous deux modelé, à leur manière, les paysages de la musique électronique et ont déjà travaillé ensemble dans le remix d’Arca de l’album async de Ryuichi Sakamoto en 2018.
Phénomènes de rétroaction
L’élégie obsédante de “Sanctuary” contraste avec la glitch-pop positive présentée par Arca quelques jours auparavant. Ses sonorités singulières transparaissent dans chaque texture, mais ses mondes métalliques, mouvementés, se déplient alors que le public est guidé vers de puissantes émotions. Derrière sa musique électronique brutaliste, elle nous offre une intimité faisant écho à l’ASMR, associée aux influences de l’instrumentation classique pour piano qui caractérisent son œuvre. L’ombre de Ryuichi Sakamoto plane sur elle ; compositeur de pièces pour piano, dans les années 1980 il a insufflé de la magie dans la mécanique des technologies de synthétiseur naissantes et ce, pour prouver qu’un monde artificiel peut également être adapté à sa vision, et participer à la production de paysages sonores vivants et fluides.
Les nouvelles plasticités de l’électro ont permis à Ryuichi Sakamoto de construire un pont entre les traditions pop et expérimentales. Le paysage culturel actuel se distingue de la période précédente, marquée par un développement technologique continu et un potentiel de l’électro qui semblait infini. Dans les années 2020, cette réalité amène Arca à naviguer avec audace à travers l’inconnu.
kiCK iiiii (2021), un album d’Arca publié par XL Recordings.

Avec l'aimable autorisation de XL Recordings.

Photo : nss (zakkubalan)

Arca, “kiCK iiiii” (2021) inclut le morceau “Sanctuary”. Avec l'aimable autorisation de XL Recordings. Pochette : Frederik Heyman
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