“Sengo”, le coeur des hommes de l’après-guerre
Dans ce manga, Sansuke Yamada explore les méandres du quotidien de deux anciens militaires, dans un Japon exsangue et sous occupation.
© Casterman
Sansuke Yamada utilise l’amitié, se sert de l’intime pour questionner l’universel. Sengo tourne autour d’un duo. Il y a Tokutaro, sergent chef de l’armée impériale, et Kadomatsu, simple soldat, vouant un culte non dissimulé à son ancien supérieur. Mais les choses sont souvent plus complexes que ce que laisse entrevoir la première strate et c’est bien une histoire d’amitié qui innerve les multiples tomes de Sengo. Ces anciens vétérans ne vivent pas n’importe où : c’est dans un Tokyo détruit, où la moitié des habitations ont été rasées, que se noue l’intrigue de cette série. Comment alors se réinventer, comment retisser des liens, s’imaginer un futur valeureux alors que l’armée américaine vient d’arriver sur le sol nippon ?
Sansuke Yamada est né en 1972, diplômé de l’université des arts d’Osaka il se lance dans le manga au début des années 1990 en dessinant pour des revues gay, avant d’élargir ensuite son spectre aux publications jeunesses. C’est en 2013 qu’il débute sa série Sengo. Sansuke Yamada est également acteur et chanteur, membre du groupe de kayokyoku — pop japonaise traditionnelle ayant inspiré la J-Pop — Tomari.
Trafic, alcool et maisons closes
Pour dessiner ce Japon d’après-guerre, Sansuke Yamada se met à hauteur d’homme, explore sans complaisance ni jugement les turpitudes de ses personnages, leurs vices et leurs petits arrangements avec eux-mêmes et le pouvoir en place. Trafic, alcool, maisons closes, l’univers qui se déploie autour de Tokutaro et Kadomatsu est loin de l’image ripolinée des Japonais prétendument soumis à l’autorité. Se réinventer après une défaite passe, pour nos deux héros, par l’exploration de voies souterraines, qui permettent de se dessiner les contours que l’on souhaite, pour un temps, ou pour toujours.
Sengo a été plébiscité par la critique puisque la série a reçu, en 2019, le prestigieux prix Osamu Tezuka ainsi que le Grand prix de la Japan Cartoonist Association. Son œuvre a également été récompensée en France en 2020 par le prix Asie de l’association des critiques et journalistes de bande dessinée.
Sengo (2013-2021), un manga de Sansuke Yamada publié chez Casterman.
© Casterman
© Casterman
© Casterman
© Casterman
© Casterman
© Casterman
© Casterman
© Casterman
© Casterman
LES PLUS POPULAIRES
-
“Les herbes sauvages”, célébrer la nature en cuisine
Dans ce livre, le chef étoilé Hisao Nakahigashi revient sur ses souvenirs d’enfance, ses réflexions sur l’art de la cuisine et ses recettes.
-
Shunga, un art érotique admiré puis prohibé
Éminemment inventives, se distinguant par une sexualité libérée, ces estampes de la période Edo saisissent des moments d'intimité sur le vif.
-
Le périple enneigé d’un enfant parti retrouver son père
Le film muet “Takara, la nuit où j'ai nagé” suit un jeune garçon sur la route, seul dans un monde d'adultes qu'il a du mal à appréhender.
-
L'homme qui construisait des maisons dans les arbres
Takashi Kobayashi conçoit des cabanes aux formes multiples adaptées à leur environnement et avec un impact limité sur la nature.
-
Les illustrations calligraphiques d'Iñigo Gutierrez
Inspiré du “shodo”, la calligraphie japonaise, l'artiste espagnol établi à Tokyo retranscrit une certaine nostalgie au travers de ses oeuvres.