Shin-hanga, un nouveau souffle pour les estampes au XXème siècle
Dans cet ouvrage, Brigitte Koyama-Richard décortique un mouvement pictural qui a renoué avec la gravure sur bois bien après son âge d'or.
Emil Orlik, “Nihon no surishi (Un imprimeur japonais)”, 1901. Lithographie, 19,3 x 15,6 cm (détail). Ph. © The Cleveland Museum of Art.
Après les Animaux dans la peinture japonaise (2020), l’auteure Brigitte Koyama-Richard a publié un ouvrage de qualité consacré à un mouvement artistique nippon, Shin hanga : Les estampes japonaises du XXe siècle (2021). Ce courant, également nommé « nouvelles gravures » ou « renouveau pictural » s’est développé entre 1912 et 1950.
À travers plus de 300 illustrations aux couleurs riches, la femme de lettres présente les différents artistes, autant Japonais qu’étrangers, qui s’y sont adonnés mais aussi les nombreux thèmes abordés (beautés féminines, théâtre kabuki, paysages).
La renaissance des estampes japonaises
Avec l’ouverture économique du Japon en 1853, ainsi que la modernisation frénétique du pays à partir des années 1870, les estampes ukiyo-e (« images du monde flottant » en japonais) s’essoufflent. Elles sont concurrencées par la photographie, la lithographie et d’autres formes de gravures apportées par les Occidentaux.
C’est alors que le commerçant japonais Shozaburo Watanabe décide de donner une seconde vie à cet art pictural en créant un nouveau style de xylographie, Shin-hanga. Avec l’aide de jeunes artistes et artisans, 2 000 estampes sont produites dans la première moitié du XXème siècle. Ainsi, des amateurs et collectionneurs du monde entier sont séduits par ce mouvement.
De nos jours, l’entreprise Watanabe, dirigée par le petit-fils du grand maître, Shoichiro Watanabe, met toujours en vente ce style de peinture. « Je serais heureux si les estampes Shin-hanga nées il y a un siècle existaient encore dans 100 ou 200 ans », révèle le successeur de Shozaburo lors d’un entretien exclusif avec Brigitte Koyama-Richard à retrouver dans son livre.
Priorité donnée à l’atmosphère
Le courant artistique Shin-hanga est le reflet des mutations de la société japonaise, chamboulée par l’arrivée des codes occidentaux, et du syncrétisme de deux cultures divergentes. Dans ce renouvellement, l’esprit nippon n’est pas trahi, au contraire, les thèmes traditionnels de l’ukiyo-e revivent.
À la différence des estampes de l’époque d’Edo (1603-1868), qui excellaient dans des thématiques populaires, ce mouvement porte une attention particulière à l’atmosphère. Ainsi les artistes, inspirés par les impressionnistes, se débarrassent des contraintes techniques et intègrent des éléments occidentaux. Les jeux d’ombre et de lumière font leur apparition dans les gravures. Le soleil scintillant sur un champ enneigé, des brumes matinales qui s’évaporent d’un lac, la lueur des lampadaires se reflétant sur les pavés humides…
Pour l’art nippon, ces effets sont inédits. « Depuis la fin de l’époque d’Edo, les artistes s’étaient passionnés pour le clair-obscur, la perspective occidentale ou encore l’expression du modelé, et leurs tentatives aboutirent à l’ère Meiji », explique Brigitte Koyama-Richard dans son ouvrage.
Shin hanga : Les estampes japonaises du XXe siècle (2021), un livre de Brigitte Koyama-Richard édité par les Nouvelles éditions Scala.
Hashiguchi Goyô, “Yokujô no onna (Femme au bain)”, 1915. Estampe xylographique, 40,1 x 26,1 cm. Ph. © Washington, Library of Congress.
Natori Shunsen, “Nanadaime Matsumoto Kôshirô, Umeô, Sôsaku hanga Shunsen nigao-e shû (Matsumoto Kôshirô VII dans le rôle de Umeô. Estampes créatives. Recueil de portraits d’acteurs par Shunsen)”, 1926. Estampe xylographique, 38,1 x 25,8 cm. Éditeur : Watanabe Shôzaburô. Ph. © Tôkyô, National Diet Library.
Helen Hyde, “A Summer Girl (Une fillette en été)”, 1905. Estampe xylographique, 18,5 x 6 cm. Ph. © Washington, Smithsonian American Art Museum.
Kawase Hasui, “Matsushima Futagojima (Matsushima Futagojima)”, 1935. Estampe xylographique, 23,9 x 36,1 cm. “Hanga shû 2 (Album d’estampes 2)”, Watanabe hanga ten. Éditeur : Watanabe Shôzaburô. Ph. © Tôkyô, National Diet Library.
Kawase Hasui, “Tôkyô nijû kei, Zôjôji Shiba (Vingt Vues de Tôkyô. Le Temple Zôjôji à Shiba)”, 1925. © Nouvelles Éditions Scala, 2021.
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