“Shinjuku Boys”, histoires d’hôtes d’un club transgenre

Un documentaire réalisé en 1995 présente des récits d’hôtes “onabe”, des hommes trans qui égaient les nuits de femmes tokyoïtes.

03.09.2021

TexteMiranda

“Shinjuku Boys”, avec l'aimable permission de WMM.

Dans le quartier huppé de Shinjuku, à Ni-Chome, les « hôtes » élégamment vêtus du New Marilyn Night Club servent du champagne et charment leurs invités. « Tous les clients pensent que nous sommes réellement leurs petits amis, mais ils sont dupes », explique Kazuki, hôte, « c’est comme ça que fonctionne notre business ». Les employés du New Marilyn sont tous des onabe, des hommes transgenres japonais dont le mode de vie n’est pas accepté par toute la société et qui gèrent une entreprise complexe répondant aux besoins de minorités solitaires.

Le documentaire de Jano Williams et Kim Longinotto, Shinjuku Boys, réalisé en 1995, propose des entretiens avec Gaishi, Kazuki et Tatsu, hôtes du New Marilyn, dans lesquels ils dévoilent leur double existence d’artistes de la vie nocturne et de citoyens queer de Tokyo. Le documentaire permet de découvrir le quotidien d’un hôte japonais, à travers des discussions sans ambages sur des sujets allant du travail et de la famille, à la sentimentalité et la sexualité. Les portraits de ces personnalités permettent de mettre en lumière les nombreux obstacles auxquels ils doivent faire face et d’interroger les notions de liberté et d’humanisme au Japon, mais également au-delà.

 

Accueillir les rêves, héberger la vérité

Les deux cinéastes britanniques travaillent régulièrement sur des projets portant sur les questions de sexualité et de féminisme au Japon. Kim Longinotto a contribué à plus de vingt films traitant de l’oppression des femmes et de la violence sexiste, voyageant au Kenya pour The Day I Will Never Forget (2002) et en Inde pour Pink Saris (2010). La journaliste Jano Williams a passé de nombreuses années au Japon, et a ainsi pu s’imprégner du mode de vie local. Cela l’a notamment amenée à critiquer ses structures sociétales sur les écrans et ondes japonaises. En 1989, leur première collaboration a permis la réalisation d’Eat the Kimono, un documentaire consacré à l’artiste de performance féministe Genshu Hanayagi. Puis, un an avant de recevoir de nombreux prix avec Shinjuku Boys, c’est la compagnie de théâtre musical féminine japonaise Takarazuka qui était mise à l’honneur dans Dream Girls. En 2000, les réalisatrices ont aussi enquêté sur un groupe de lutteuses japonaises dans Gaea Girls.

Si les positions soutenues dans Shinjuku Boys sont complexes, le public assiste à des conversations franches, ouvrant des perspectives critiques. En démontant un phénomène social aussi mystérieux — celui d’un pays où les désirs et les sentiments les plus personnels et inavouables peuvent être marchandisés —, un environnement aussi singulier que celui dans lequel évoluent les hôtes ou les hôtesses, le documentaire peut sembler essentialiser le sujet. Mais Kim Longinotto a choisi une réalisation discrète, qui laisse la narration au cœur du documentaire et permet de se concentrer sur les paroles portées, sur la mise en avant des personnages. Les membres du New Marilyn Club, experts des relations humaines et spécialistes des fantasmes, offrent ici de précieux conseils, qui nous concernent tous.

 

Shinjuku Boys (1995), un documentaire produit par Jano Williams et Kim Longinotto est édité en DVD par Second Run.

“Shinjuku Boys”, avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.

Extrait de “Shinjuku Boys”. Avec l'aimable permission de WMM.