Tora-san, vagabond superstar
Ce personnage excentrique est le héros de 50 films réalisés par Yoji Yamada. Idole du cinéma populaire, il a même sa statue en plein Tokyo.

© Shochiku Co., Ltd
« Prétendre parler du cinéma japonais sans évoquer l’un de ses piliers, cela reviendrait à s’intéresser au théâtre français en oubliant de parler de Molière. Pourtant, c’est ce qui est arrivé pendant de longues années en Europe où, pour diverses raisons, Tora-san et son créateur Yoji Yamada ont été négligés ». Ces propos sont signés Claude Leblanc, auteur du livre Le Japon vu par Yoji Yamada où il retrace la carrière de ce cinéaste phare, encore trop peu connu hors de l’archipel. Et en effet, il y a fort à parier que le nom de Yoji Yamada et celui de Tora-san ne soit pas même parvenus aux oreilles des amateurs de cinéma japonais.
Le symbole d’une époque révolue
Qui est donc Tora-san ? C’est un vagabond excentrique, malheureux en amour, du nom de Torajiro Kuruma, qui voyage à travers le Japon. Toujours vêtu d’un costume bon marché, de claquettes et d’un chapeau. Jusque là, rien de bien extraordinaire. À ceci près que le premier film où apparait le personnage, C’est dur d’être un homme (Otoko wa tsurai yo en japonais) a été suivi de 50 autres, toujours réalisés (hormis deux) par Yoji Yamada. Ce qui a valu à Tora-san d’être inscrit au livre Guinness des records et d’être hissé au rang de héros du cinéma populaire nippon. Il a sa statue à Tokyo et des visites sont encore organisées sur les lieux de tournage, tandis que les films sont rediffusés régulièrement à la télévision alors que la série s’est achevée en 1996, lors du décès de l’acteur principal Kiyoshi Atsumi.
L’intrigue de chaque épisode est quasiment similaire : Tora-san retourne chez lui, les choses tournent mal — il y a bien souvent une histoire d’amour ratée — et puis il reprend la route. Mais il se joue bien plus que ces intrigues qui peuvent sembler simplistes. Yoji Yamada, par l’intermédiaire de son personnage phare, livre la photographie d’une époque, celle d’un Japon traditionnel pris dans la course à la modernité, aux repères mouvants et où les Japonais doivent apprendre à composer avec une occidentalisation croissante de leur société. Tora-san est donc à la fois un héros comique et le représentant d’une époque qui reste encore pour beaucoup celle de l’âge d’or, avant l’éclatement de la bulle.
Un an avec Tora-san (2022), une année d’expositions et de projections qui a eu lieu à la Maison de la Culture du Japon de Paris.

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