Une vie expérimentale dans “Moriyama-San”
Le réalisateur Ila Bêka suit pendant sept jours le quotidien du propriétaire d'une des maisons emblématiques de Tokyo, la Moriyama House.

© Bêka & Lemoine
Le long métrage de Ila Bêka du duo Bêka & Lemoine, tourné à Tokyo en août 2016, commence par une précision musicale : la définition de la musique bruitiste, qui s’affiche en caractères blancs sur l’écran noir. Viennent ensuite les présentations du protagoniste : celui qui va nous être dévoilé en quelques secondes n’a jamais pris le bateau, encore moins l’avion. Il n’a jamais quitté le Japon, ni même Tokyo. Et il vit toujours à l’endroit même où il est né.
Puis sa silhouette apparaît enfin : après avoir branché son matériel hi-fi, il s’assoit sur une chaise au milieu de cette pièce que l’on devine uniquement dédiée à la musique, sirote une gorgée et plante ses yeux droits dans la caméra. Cheveux gris blancs un peu ébouriffés, t-shirt blanc et short finement rayé : voici Moriyama-San.
L’homme est un inconditionnel de la musique bruitiste. C’est d’ailleurs par cet intermédiaire que se noue le contact entre lui et le réalisateur, alors qu’ils échangent sur Yoshihide Otomo, dont la musique accompagne l’intégralité du film. Lorsqu’Ila Bêka lui demande s’il peut rester un peu, il ne s’imagine pas qu’il s’apprête à passer sept jours dans cette maison emblématique sortie tout droit de l’imagination de Ryue Nishizawa, lauréat du prix Pritzker.
Un petit village au centre de Tokyo
Pendant une heure, on suit les pérégrinations de Yasuo Moriyama au milieu de ces dix blocs blancs reliés entre eux par des petits chemins de terre, où la végétation abonde. Lecture, observation du ciel et des nuages, projection de film sur une de ses façades ou chasse aux aigrettes de pissenlit, Moriyama-San compose avec l’instant.
C’est au décès de sa mère que Yasuo Moriyama démolit la maison dans laquelle il habitait avec elle. Il écrit alors une lettre à l’architecte de SANAA pour qu’il lui en construise une nouvelle. Celui-ci lui répond : « Vous n’avez pas besoin d’une maison, vous avez besoin d’un petit village au milieu d’une forêt. Mais au centre de Tokyo. » La maison Moriyama était née, et avec elle cet art de vivre si cher à Yasuo Moriyama que Moriyama-San vient figer dans un film d’une belle poésie.
Moriyama-San (2017), un film réalisé par Beka & Lemoine disponible en VOD sur Vimeo.

© Bêka & Lemoine

© Bêka & Lemoine

© Bêka & Lemoine

© Bêka & Lemoine
LES PLUS POPULAIRES
-
« C’est un plaisir sincère que mes objets soient reconnus comme appartenant au cercle du Mingei »
Les couverts de laiton soigneusement façonnés par Ruka Kikuchi dans son atelier de Setouchi sont appréciés dans tout le Japon et ailleurs.
-
Les œuvres architecturales de Leandro Erlich interrogent notre perception du réel
L’artiste contemporain a construit, à Kanazawa, un escalier étrange, défiant la gravité. Une œuvre questionnant l’absurdité du quotidien.
-
“Buto”, la danse des ténèbres révolutionnaire
Né dans un contexte d’après-guerre rythmé par des mouvements contestataires, cet art subversif rejette les codes artistiques traditionnels.
-
L'audace d'après-guerre du mouvement japonais Gutai
Ce courant incarne le renouveau de l'art japonais en apportant une importance considérable aux matériaux et à la performance.
-
Les hommes de bois de Nagato Iwasaki
Dans sa série “Torso”, l'artiste sculpte des statues d’hommes et femmes à partir de bois flotté, qu’il place ensuite dans la nature.




