Kota Okuda, quand bijoux et vêtements ne font plus qu’un
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©KOSUKE NISHIMURA
Dès les années 1980, les designers japonais intriguent la fashion sphère en proposant une mode plus cérébrale, brute et déstructurée, qui contraste grandement avec l’excès et l’ostentation assumée du style de l’époque. Depuis, leur avant-gardisme ne cesse de surprendre.
Entre minimalisme et exubérance, certains fascinent par leurs silhouettes qui intellectualisent les vêtements et qui prennent la forme d’énigmes – comme le fait si brillamment Yohji Yamamoto. Tandis que d’autres surprennent par une approche plus conceptuelle de la mode, à l’instar de Rei Kawakubo, la directrice artistique de Comme des Garçons, qui considère le vêtement comme une construction à part entière. C’est entre ces deux écoles de la mode japonaise qu’oscille le travail de Kota Okuda.
Pour sa première collection présentée entre les buildings de la Big Apple, en septembre dernier pendant la Fashion Week, le designer japonais a choisi d’ébranler la critique avec une collection engagée. Si les questions politiques amènent systématiquement des controverses, Kota Okuda n’a pas hésité à explorer les connexions possibles entre le matérialisme américain et la marchandisation corporelle. Il écrit sur son Instagram avoir voulu “redéfinir la monnaie américaine en transformant sa valeur marchande à travers un nouveau système vestimentaire“.
À cette fin, Okuda a recréé des dollars américains en version XXL qui prennent la forme de robes, jupes et tops. Tous ont été élaborés à base de tissus, métaux, cuir, tulle, papier et matériaux en tous genres s’apparentant à du plastique. Des silhouettes délibérément importables – et donc ironiques – qui pointent du doigt le capitalisme prôné par la société américaine. Cette idée lui est venue alors qu’il lisait l’ouvrage Le Capital de Karl Marx, explique-t-il lors d’une interview. Cette œuvre philosophique dénonce l’injustice fondamentale du capitalisme et évoque une nouvelle économie politique en repensant les concepts de valeur-travail.
Avec ce défilé, Okuda prouve son habilité à travailler la matière. Et pour cause, après avoir étudié le design de bijoux à la Central Saint Martins College of Art and Design, la prestigieuse école londonienne, Kota Okuda décide de poser ses valises à New York, en 2016, afin de poursuivre son apprentissage au sein de la très réputée Parsons New School of Design. Si le designer japonais n’avait jamais touché une machine à coudre avant de l’intégrer, sa curiosité et son intérêt porté à la culture et à l’expression de soi l’ont encouragé malgré tout à repenser le vêtement.
Tel un orfèvre qui conçoit ses joyaux, Okuda élabore ses silhouettes avec une grande minutie et explore, au fil du temps, la relation entre les bijoux et le corps humain. Plus qu’une simple mode de prêt-à-porter, le cat walk de l’artiste japonais s’apparente à un show de haute couture. Par ailleurs, il semblerait que le créateur japonais ait déjà conquis le cœur de l’artiste Nicki Minaj, qui l’aurait félicité personnellement via Instagram après son défilé. Entre conceptualité et folklore, la mode politique, engagée et intellectuelle de Kota Okuda annonce une nouvelle ère au sein de la mode japonaise.
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©KOSUKE NISHIMURA
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©KOSUKE NISHIMURA
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©DAIKI UEDA
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©DAIKI UEDA
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©KOSUKE NISHIMURA
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