La famille Koshino ou l’art de réinventer la mode au fil des générations

Le talent est-il héréditaire ? La question peut largement se poser dans le cas de la famille Koshino. Les trois soeurs Hiroko, Michiko et Junko semblent aujourd’hui suivre les pas de leur défunte mère Ayako. Cette dernière, fille d’un marchand de kimonos, est devenue l’une des stylistes incontournables du pays.
Dans les années 40, Ayako Koshino perd son mari au front durant la Seconde Guerre Mondiale. Après une longue période de deuil, Ayako, véritable force de la nature, décide d’élever seule ses trois filles. “Après la guerre, il ne nous restait plus rien en dehors d’une machine à coudre, devenue la baguette magique qui a transformé nos rêves en réalité”, a-t-elle confié à l’AFP. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle comprend que la couture sera la clé non seulement de sa réussite mais aussi de celle de ses trois filles.
En figure de proue de la mode japonaise des années 1980, Ayako Koshino se forge un style avant-gardiste aux coupes conceptuelles qui marient styles occidental et asiatique. Ses silhouettes fluides visent alors à libérer la femme japonaise de ses kimonos étriqués. La créatrice évolue à l’époque aux côtés des designers Issey Miyake et Kansai Yamamoto, juste avant l’essor international de la mode nippone. Des années plus tard, à la fin de sa carrière, elle se donnera pour mission principale d’habiller les dames âgées, “laissées-pour-compte de la mode”, comme elle le clame sans détour. Un nouveau défi qu’elle relève jusqu’à son dernier souffle, le 26 mars 2006.
4 femmes, 4 stylistes

C’est donc munie d’une machine à coudre qu’Ayako Koshino élève ses trois enfants, toutes bercées par son art et sa philosophie de vie qui tend à “libérer la femme japonaise”, jusqu’alors confinée dans son kimono traditionnel. Si elle affirme ne jamais les avoir poussées à embrasser la profession de styliste, Hiroko, Michiko et Junko ont toutes les trois choisi de rendre hommage à leur mère en continuant à explorer la mode sous tous ses aspects.
Après des études passées au Bunka Fashion College, l’aînée, Hiroko Koshino, se fait remarquer dans un premier temps à Rome puis à Paris en 1982, grâce à des défilés conçus comme des expositions. Ses silhouettes y dévoilent des lignes fluides, l’une des principales caractéristiques de ses créations. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre la France et le Japon.
Junko, également diplômée du Bunka Fashion College et condisciple de Kenzo Takada, est quant à elle réputée pour son rôle de “briseuse de conventions”. Avec le même dessein que sa mère, la créatrice concentre son travail sur la “réinvention de la femme japonaise” en imaginant des kimonos modernes, à mi-chemin entre la tenue traditionnelle nipponne et les robes longues occidentales. Avec des tissus colorés et chargés de motifs, Junko brise les codes tout en gardant l’essence même de la culture japonaise. Ses étoffes vaporeuses ont su séduire de nombreuses institutions, dont le musée Guimet à Paris, qui célèbre régulièrement son art.
Enfin, Michiko, la benjamine, est certainement la plus connue de la fratrie. Installée en Grande-Bretagne, elle se fait un nom dans les années 80, lorsque la musique, la mode et le clubbing ne faisaient plus qu’un. Inspirée par le punk, la scène underground londonienne et son excentricité, Michiko séduit grâce à son innovation, son originalité et la qualité de ses pièces. Aujourd’hui, sa marque éponyme aux silhouettes streetwear et unisexes s’est taillée une solide réputation au sein de la mode. Parallèlement, elle explore le jean sous toutes ses formes grâce à ses labels Yen Jeans, Roi Motor et Michiko London.
Ont-elle héritées du même gène créatif ? Probablement, même si selon leur mère, le succès de ses trois filles réside dans leurs inspirations multiculturelles, leur attachement aux traditions japonaises ainsi que dans leur ouverture d’esprit. Un bel exemple de partage et de sororité exceptionnelle dans le milieu de la mode.



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