Et si les réfugiés de Fukushima revenaient sur place ? Soudainement.
Les photographes Guillaume Bression & Carlos Ayesta ont invité les habitants exilés à se replonger dans leur quotidien d'avant le désastre.

“Retrace our steps” © Carlos Ayesta / Guillaume Bression
Depuis mars 2011, le séisme de magnitude 9.0 sur l’échelle de Richter et la catastrophe nucléaire de Fukushima, les photographes français Carlos Ayesta et Guillaume Bression ont parcouru les lieux du drame à de nombreuses reprises, et convaincu des habitants de la zone d’exclusion de revenir sur les traces de leurs vies passées. Ces témoignages réalisés entre 2011 et 2016 sont réunis dans le projet Revenir sur nos pas, composé à la fois de photographies et textes.
Diplômé de l’ISAE et de l’IFP School, Guillaume Bression crée en 2009 avec Carlos Ayesta — né à Caracas — le collectif de photographe Trois 8, dédié à des projets artistiques et documentaires. Le premier est installé au Japon depuis 2010, le second vit désormais à Paris, où il réalise notamment des photographies d’architecture et des suivis de chantiers.
Des lieux familiers devenus hostiles
« Quand je parle, je pleure. Quand je vois mes photos, je pleure. Je n’ai plus de larmes à force de pleurer. Elles ont toutes séché. Là, vous me voyez en train de rire parce que je vais un peu mieux. Mais je ne peux pas rentrer chez moi, à cause de la radioactivité », témoigne Sakuko Matsumoto auprès du duo d’artistes. Elle fait partie des 80.000 habitants évacués des alentours de la centrale nucléaire de Fukushima. Comme tant d’autres, ils « ont tous un jour eu cette tentation : revenir voir leur maison, leur école ou leur commerce. Et tous ont eu du mal à reconnaître ces lieux familiers devenus hostiles », expliquent les photographes dans le cadre de la présentation de leur projet. Mana Ujiie leur confie ainsi qu’elle ne réalisait « pas à quel point cet endroit était dévasté. »
Pour ces photographies, les habitants ont accepté de faire « comme si de rien n’était ». Midori Ito apparaît dans un supermarché dévasté, poussant son caddie comme elle avait l’habitude de le faire. Gérant de magasins, Ryoetsu Okumi tient son téléphone comme il le faisait — dans un décor sens dessus dessous. Yuzo Mihara navigue au milieu des cartons de jouets du magasin ouvert par son grand père il y a 70 ans… Ces scènes surnaturelles et dérangeantes mêlent le « banal à l’étrange ».
Réalisé dans le cadre d’un vaste projet documentaire, Revenir sur nos pas ne questionne pas l’action des autorités ou n’aborde pas le plus large débat du nucléaire. Ce travail est un témoignage de vies changées à jamais. Il s’écrit à travers six séries, présentées sur la plateforme Fukushima No Go Zone, notamment exposées en 2016 dans l’espace Chanel Nexus Hall à Tokyo.
Retracing our steps, Fukushima exclusion zone (2011-2016), une série de Carlos Ayesta et Guillaume Bression éditée par Kehrer Verlag.

“Retrace our steps” © Carlos Ayesta / Guillaume Bression

“A suspended time” © Carlos Ayesta / Guillaume Bression

“nature” © Carlos Ayesta / Guillaume Bression

“Retrace our steps” © Carlos Ayesta / Guillaume Bression

“A NO MAN S LAND” © Carlos Ayesta / Guillaume Bression

Kehrer
LES PLUS POPULAIRES
-
« C’est un plaisir sincère que mes objets soient reconnus comme appartenant au cercle du Mingei »
Les couverts de laiton soigneusement façonnés par Ruka Kikuchi dans son atelier de Setouchi sont appréciés dans tout le Japon et ailleurs.
-
« Le Mingei reste toujours insaisissable, cent ans après sa naissance »
Sō Sakamoto est un potier d’Onta-yaki, une forme de céramique datant du XVIIIe siècle mise en avant par Sōetsu Yanagi, fondateur du Mingei.
-
« On dit souvent qu’il faut apprendre de ses échecs… mais est-ce vraiment si simple ? »
Dans “Guide de survie en société d'un anti-conformiste”, l'auteur Satoshi Ogawa partage ses stratégies pour affronter le quotidien.
-
Du Japon vers le monde, des photographes appelés à s’imposer à l’international
Le T3 PHOTO FESTIVAL 2025 expose cinq photographes japonais émergents et confirmés, afin de soutenir leur rayonnement à l’étranger.
-
“Le Japon interdit”, l'oeil d’Irina Ionesco
Dans cet ouvrage, la photographe va au plus près des corps, révélant ceux, tatoués, de “yakuza” ou celui, érotisé, d'une artiste underground.



