“HESTER”, entre fantaisie et réalité
À travers les photographies de son personnage Hester et de ses multiples facettes, Kumi Oguro illustre les contradictions propres au féminin.

“Hester” (2010) © Kumi Oguro
Seuls des détails sont visibles à nos yeux : des éléments d’intérieur, des tissus, des parties du corps, des cheveux — tressés, ou cachant délibérément un visage. Les fragments des corps sont ici présentés de manière à stimuler notre imagination et créer une atmosphère mystérieuse. Au fil des clichés réunis dans la série HESTER (2008-2018), jouant avec les angles et la lumière, Kumi Oguro met en avant les visages dissimulés de modèles dépourvus d’émotions dans un univers rempli de sensualité.
Née au Japon en 1972, Kumi Oguro vit et travaille à Anvers depuis 1999. Après avoir entamé ses études à Londres, au Blake College et au City of Westminster College, son cursus l’a amenée en Belgique, où elle a développé sa pratique photographique — tout en expérimentant la vidéo et l’installation — à l’Académie royale des Beaux-Arts et à l’Université d’Anvers.
Extravertie, agressive et chaotique, mais aussi sensible
Les limites de la perception du temps sont franchies, elle est altérée, dans un état s’apparentant à du “semi-éveil”. Intriguée par la nature des rêves, Kumi Oguro tente de transmettre ce sentiment dans ses photographies, par le biais des sens. Dans son œuvre, l’artiste crée un monde sans aucune logique narrative, se défaisant de la réalité de notre quotidien. Si les séries de Kumi Oguro sont consciencieusement mises en scène, l’artiste laisse une large place à l’imprévu, célèbre l’inattendu.
Kumi Oguro photographie des figures féminines depuis le début de sa carrière, mais sa représentation des femmes a considérablement évolué au fil des ans. Les femmes innocentes, semblables à des enfants, aux caractéristiques sensuelles de ses premières images ont laissé place à des créatures oniriques, dotées d’une aura intangible, renvoyant à la complexité de la description des rêves.
Les figures féminines évoluent ici aux frontières de mondes fragiles, attirants, divertissants, mais également inquiétants ou subversifs. Une dualité extrême propre aux femmes, selon la photographe. L’artiste ambitionne ainsi de la penser et de la représenter. Pour la série HESTER, la photographe a été particulièrement influencée par la portrait d’une femme fictive dans le livre Une prière pour Owen de John Irving. L’un des personnages principaux, qui s’appelle Hester, est devenue une source d’inspiration pour Kumi Oguro en raison de son tempérament extrême. Ainsi, comme elle l’explique dans le texte associé à la série, « Hester est une femme extravertie, agressive et chaotique, mais aussi une personne sensible, aimante et charmante. Je pourrais appeler toutes les femmes de mes photos “Hester”. Avec beaucoup d’affection. » L’artiste a pour projet de publier prochainement ces photographies dans un livre.
Dans son premier ouvrage Noise, publié par Le Caillou bleu (Bruxelles) en 2008, Kumi Oguro présente une autre série photographique inspirée du langage du cinéma et propose au public de jouer avec son inconscient.
HESTER (2008-2018), une série de photographies par Kumi Oguro à retrouver sur son site internet.

“Screen” (2013) © Kumi Oguro

“Division” (2014) © Kumi Oguro

“Game” (2016) © Kumi Oguro

“Sewn” (2011) © Kumi Oguro
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