Le Mono-ha, ou la disparition du soleil
L’ouvrage “Requiem for the Sun” de Mika Yoshitake retrace la genèse d'un groupe d’artistes associé aux débuts de l'art contemporain japonais.
“Requiem for the Sun: The Art of Mono-ha” - Curated by Mika Yoshitake, Installation view, 2012 - Blum & Poe, Los Angeles, Photo: Joshua White Courtesy of the artists or Estates and Blum & Poe, Los Angeles/New York/Tokyo
Le Mono-ha peut se traduire littéralement par « l’école des choses ». C’est autour de ce terme qu’un groupe d’artistes japonais propose à partir de 1968 de réapprendre « à voir le monde tel qu’il est, sans en faire l’objet d’un acte de représentation qui l’oppose à l’homme. » Le mouvement réunit notamment Nobuo Sekine, Lee Ufan, Kishio Suga, Katsuro Yoshida, Katsuhiko Narita, Shingo Honda et Susumu Koshimizu. Publié en 2012 par la galerie Blum & Poe — à l’occasion d’une exposition —, l’ouvrage Requiem for the Sun de la curatrice Mika Yoshitake permet de comprendre les spécificités et l’importance de leur démarche.
Requiem for the Sun s’intéresse en particulier à l’activité du groupe à Tokyo entre 1968 et 1972 (la fin du mouvement est généralement datée à 1975), dans une période marquée par un bouleversement politique du pays. Il s’élève contre le Traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon (1960), la guerre du Vietnam et la crise pétrolière, portant une critique de l’industrialisation du pays.
Les matériaux, l’espace et le spectateur
Le titre de l’exposition et de l’ouvrage renvoie à la symbolique du soleil, très présent dans l’esthétique japonaise, et qui s’efface dans l’après-guerre, à la faveur d’un détachement artistique et d’une nouvelle considération de la matière. Le but des artistes est ici de réduire leur intervention, pour s’intéresser à la relation entre les matériaux, l’espace et le spectateur.
À la manière de l’Arte Povera italien — qui vise également à rendre signifiants des objets insignifiants et privilégier le processus sur la création finale —, les artistes du Mono-ha ne constituent pas un groupe à proprement parler, leurs démarches sont parallèles, ils travaillent seuls, de manière non concertée. Ils partagent une volonté de mettre face à face des objets naturels et industriels, l’acier, la pierre, le bois, le verre, ou le papier japonais. Cette volonté de faire dialoguer des objets naturels et manufacturés se retrouve dans les œuvres mises en avant ici. Phase – Mother Earth de Sekine Nobuo — exposée une première fois en octobre 1968 dans le parc Suma Rikyu de Kobe —, est un grand cylindre de terre et béton, déposé juste à côté du trou duquel il a été sorti. L’œuvre est considérée comme l’origine du Mono-ha. De son côté, Lee Ufan ligote avec des cordes des planches de bois autour d’un pilier, tandis que Koshimizu Susumu découpe un bloc de pierre pour Splitting a Stone–February 25, 2012, 2:40pm.
Comme le note Mika Yoshitake dans l’ouvrage, (rédigé avec James Jack et Oshrat Dotan), « le Mono-ha était avant tout un rejet de l’avant-garde euro-américaine, et est synonyme du début de l’art contemporain au Japon. » Si ce mouvement ne correspond qu’à quelques années d’activité artistique du pays, il a ouvert la voie à plus d’un demi-siècle de création.
Requiem for the Sun: The Art of Mono-ha (2012), un recueil de Mikak Yoshitake, James Jack et Oshrat Dotan publié par Blum & Poe.
“Requiem for the Sun: The Art of Mono-ha” - Curated by Mika Yoshitake, Installation view, 2012 - Blum & Poe, Los Angeles, Photo: Joshua White Courtesy of the artists or Estates and Blum & Poe, Los Angeles/New York/Tokyo
“Requiem for the Sun: The Art of Mono-ha” - Curated by Mika Yoshitake, Installation view, 2012 - Blum & Poe, Los Angeles, Photo: Joshua White Courtesy of the artists or Estates and Blum & Poe, Los Angeles/New York/Tokyo
“Requiem for the Sun: The Art of Mono-ha” - Curated by Mika Yoshitake, Installation view, 2012 - Blum & Poe, Los Angeles, Photo: Joshua White Courtesy of the artists or Estates and Blum & Poe, Los Angeles/New York/Tokyo
“Requiem for the Sun: The Art of Mono-ha” - Curated by Mika Yoshitake, Installation view, 2012 - Blum & Poe, Los Angeles, Photo: Joshua White Courtesy of the artists or Estates and Blum & Poe, Los Angeles/New York/Tokyo
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