“Mémoires d’une geisha”, déconstruction d’un fantasme

Inspiré d'une histoire vraie, le livre de Yuki Inoue offre un regard intime sur la vie de ces dames de compagnie au début du XXème siècle.

28.03.2022

TexteLéa-Trâm Berrod

© “Mémoires d'une geisha”, Éditions Picquier

À ne pas confondre avec le film éponyme tiré du livre Geisha d’Arthur Golden, l’ouvrage de l’auteure japonaise, Mémoires d’une geisha (1980), est un témoignage édifiant qui retrace l’histoire de Kinu Yamaguchi. Vendue à l’âge de huit ans à une okiya (maison de geishas), elle fait le dur apprentissage du métier de « personne d’arts » avant de devenir une okasan (mère qui s’occupe de ses pensionnaires). 

Diplômée du département de littérature du Kanazawa Women’s College, Yuki Inoue reçoit en 1981 une mention honorable du prix Oya Soichi pour son livre, traité comme un documentaire précieux. Renforcé par des photographies, une profusion de détails et des termes originaux, le récit bouleversant montre avec pudeur la condition peu enviable des femmes de l’époque. 

 

Une vie de sacrifices et de courage

Loin de l’image fantasmée qu’en ont les Occidentaux, la femme de lettres lève le voile sur le monde mystérieux des geishas avec ses codes et ses traditions. Entre les cérémonies et les jeux, le lecteur prend conscience de la réalité. « La pièce durait longtemps mais la jeune femme, elle, ne pouvait quasiment rien manger : une geisha n’en avait pas le droit devant un client ». Punitions, exercices physiques, initiation sexuelle… Certains passages sont déchirants.

Traitées comme des esclaves, ces apprenties doivent s’acquitter d’une dette avant de pouvoir prétendre à une vie de liberté. « Et puis surtout, ne lis pas de livres. Si tu deviens savante, tu ne pourras jamais trouver un protecteur ». Grâce à de nombreux sacrifices et beaucoup de courage, Kinu Yamaguchi est devenue une figure populaire et a réussi à mener une existence sans privations. Les propos de l’héroïne sont remplis de nostalgie et de reconnaissance, ce qui adoucit un récit au goût amer. 

 

Un témoignage historique

En plus d’être une source de connaissances sur l’univers fermé des geishas et de leur place dans la société, le livre de Yuki Inoue raconte l’histoire du petit peuple japonais. Par exemple, afin de subvenir à leurs besoins, les parents de Kinu Yamaguchi sont obligés de la vendre. « Ça vous aidera, disaient-ils, vous aurez une bouche de moins à nourrir et vous pourrez augmenter vos revenus ».

Par la suite, le personnage principal a vécu et traversé plusieurs époques. De la fin de l’ère Meiji (1868-1912) à l’après Seconde Guerre mondiale (1939-1945), le récit se déroule avec, en trame de fond, une peinture historique de l’archipel et de ses transformations. 

 

Mémoires d’une geisha (1980), un ouvrage de Yuki Inoue publié aux Éditions Picquier. 

© “Mémoires d'une geisha”, Éditions Picquier

© “Mémoires d'une geisha”, Éditions Picquier