L’émergence de la femme moderne au Japon

Les années 20 amènent un nouveau courant artistique, le modernisme japonais, dans lequel la femme s'émancipe de son rôle traditionnel.

17.09.2020

TexteRebecca Zissmann

Imai Hisamaro, “From Nihonbashi”, 1931 colour offset lithograph National Gallery of Victoria, Melbourne Maureen Morrisey Bequest, 2018

En 1923, un violent tremblement de terre secoue la région du Kanto, cœur économique du Japon. Des villes entières sont ravagées et à reconstruire, au premier rang desquelles la capitale, Tokyo. Pourtant, le pays se relève avec vigueur et ingéniosité. L’entre-deux guerres au Japon est un moment de vitalité et de dynamisme. La société, ouverte sur le monde, est en reconversion.

Les années 20 et 30 voient ainsi l’apparition des grands magasins et l’établissement de la société de consommation en parallèle de l’arrivée de nouvelles technologies comme le métro. Tous ces changements ont été abondamment documentés par les artistes, designers et illustrateurs de l’époque, dont beaucoup d’oeuvres ont été affichées dans le cadre de l’exposition Japanese Modernism à la National Gallery of Victoria à Melbourne, en Australie en 2020.

 

Progrès social et nouvelles tendances

Parmi les transformations majeures qui traversent alors le Japon, le changement de statut des femmes est particulièrement prégnant. Nombreuses sont celles qui quittent les campagnes pour s’établir en ville, où elles ont l’opportunité de travailler et d’être financièrement indépendantes. Ce mode de vie libéré, ponctué de sorties dans les salles de cinéma, salles de bal et cafés nouvellement implantés, s’accompagne de changements stylistiques plutôt audacieux.

En témoignent les vêtements de l’époque. Si les kimonos restent encore majoritaires au sein de la population, ils se font plus sophistiqués avec des motifs élaborés et des couleurs vives. Certaines femmes optent pour le port de la robe à l’occidentale, accompagné de maquillage élégant distribué par de grandes marques comme Shiseido dont les poudriers exposés aujourd’hui au musée constituent de véritables œuvres d’art.

Le Japon n’est pas imperméable aux mouvements de l’art déco ou de l’art nouveau. Les objets du quotidien s’approprient ces nouveaux codes et la fantaisie s’infiltre dans tous les interstices de la vie sociale.

 

Quand les femmes s’approprient l’art

Le milieu artistique, jusqu’alors majoritairement dominé par les hommes, voit quant à lui l’émergence de femmes artistes. Longtemps oubliées, elles ont été réhabilitées par l’exposition à la National Gallery of Victoria. A l’instar de Fumie Taniguchi qui, en 1935, s’inspire des paravents de Matsuura datant du XVIIème siècle pour son paravent à six panneaux Préparations en vue d’une sortie (Yosoou Hitobito). Une ode à l’émancipation des femmes ainsi qu’à la consommation et à la mode du début du XXème siècle. Malheureusement, la carrière de Fumie Taniguchi n’a pas duré. Forcée de déménager à la campagne lors de la Seconde Guerre Mondiale, elle finit par quitter le Japon au début des années 1950 pour s’installer à Los Angeles. Elle y travaille alors comme serveuse, couturière ou encore bonne à tout faire et ne retouchera plus jamais à un pinceau.

De nombreuses autres œuvres font le portrait de la femme moderne japonaise, cette femme sûre d’elle, éclairée et au style pointu. On la voit mise en scène dans Salon de thé et de café, Sabo (1939) de l’artiste Saeki Shunko ou encore dans En attente de maquillage (1938) par Ayako Negishi. Et puis plus tard, dans d’autres pans de la culture japonaise comme le cinéma d’Ozu.

 

Japanese Modernism (2020), une exposition à la National Gallery of Victoria de Melbourne, Australie.
Adresse : 180 St Kilda Road, Melbourne

Oda Kanchō, “Terrible spectacle in Fujisawa on the Tōkaidō, night of September 1, 1923”, 1924 from The Taishō Great Earthquake Folio colour woodblock National Gallery of Victoria, Melbourne Purchased, NGV Supporters of Asian Art 2019, and Sugiura Hisui, “The first subway in Asia”, 1927 colour offset lithograph National Gallery of Victoria, Melbourne Purchased NGV Foundation, 2018 © Estate of Hisui Sugiura

Japanese Women’s kimono with geometric design and accessories c. 1930 silk, cotton, wool, straw, wood, vinyl, plastic and metal (meisen textile) National Gallery of Victoria, Melbourne Purchased with funds donated by Allan Myers AC and Maria Myers AC, 2016 and Yamano Ayao (designer) Shiseidō (producer) Powder compact c. 1930 offset lithograph, powder National Gallery of Victoria, Melbourne Purchased with funds donated by Winsome Richards, 2019

Taniguchi Fumie, “Preparing to go out”, 1935 six panel folding screen: ink and watercolour on silk, lacquer on wood National Gallery of Victoria, Melbourne Kevin McDonald and Eunice McDonald Bequest and NGV Foundation, 2019 © Estate of Taniguchi Fumie

Negishi Ayako, “Waiting for makeup”, 1938 coloured inks on paper National Gallery of Victoria, Melbourne Purchased with funds donated by Jennifer and Brian Tymms, 2018

Saeki Shunkō, “Tea and coffee salon”, 1939 ink, colour, paper, lacquer National Gallery of Victoria, Melbourne Purchased with funds donated by Alan and Mavourneen Cowen, The Myer Foundation and the NGV Supporters of Asian Art, 2015

The Asahi Shinbun Company (publisher) Asahi Weekly, 22 January 1939 1939 colour offset lithograph National Gallery of Victoria, Melbourne Maureen Morrisey Bequest, 2018