Les démons japonais prennent corps sous l’objectif de Charles Fréger
Dans sa série “Yokainoshima” ou "l'île aux monstres", le photographe documente les costumes rituels des communautés rurales de l'archipel.
Charles Fréger
Terrifiantes figures masquées grimaçantes qui posent, souvent armées, semblant prêtes à attaquer. Devant l’objectif du photographe français Charles Fréger, les créatures mythiques du folklore japonais s’animent dans toute leur excentricité.
Familier du Japon pour y avoir photographié des sumo au début des années 2000, Charles Fréger y retourne en 2013 avec l’envie de se confronter à son monde rural. En cinq voyages où il parcourt maintes campagnes et îles, il se familiarise avec les légendes locales qu’il fait incarner par les habitants.
Tenues de cérémonie
Ces légendes locales, démons ou yokai, ont pour certains une tête d’animal, que ce soit un cerf menaçant à la bouche et l’intérieur des oreilles peints en rouge, ou un singe maléfique. D’autres arborent des visages vaguement humains. Ces légendes n’ont parfois même pas de face du tout, masquée par un capuchon ou un foulard.
Ces costumes, toujours utilisés lors de rituels saisonniers ou mascarades rendent hommage à la nature et aux éléments, afin de s’attirer leurs bons auspices et de tenir éloignées les catastrophes. Seules certaines personnes peuvent les revêtir et Charles Fréger n’a pas dérogé à la règle en ne capturant que celles autorisées à se transformer en période de cérémonies. Mais s’est refusé à les photographier au cours des rituels, s’intéressant plus au rapport de l’homme au costume et au rôle dans lequel il se glisse. De ses rencontres avec les yokai, Charles Fréger compile une série de photographies qu’il intitule Yokainoshima ou l’île aux monstres.
Un folklore régional diversifié
Malicieux, pour ne pas dire diaboliques, certains des yokai les plus connus sont invoqués par les parents pour faire peur à leurs enfants. Ces derniers savent ainsi qu’ils doivent se méfier des kappas, tortues à forme humaine qui portent une coupelle remplie d’eau en guise de couvre-chef. Pour ne pas se faire dévorer tout cru, il suffit de les saluer en s’inclinant bien bas car les kappas, très polies, répondront au salut en laissant s’échapper le précieux liquide nécessaire à leur survie…
Tous les Yokai ne sont pas également célèbres. Chaque région du Japon a son propre bestiaire, comme le poisson Amemasu de Hokkaido ou Tearai Oni (le démon qui se lave les mains) habitant de l’île de Shikoku et de la mer intérieure de Seto. Pour mieux appréhender leur diversité et leurs origines, le Musée des Confluences à Lyon avait organisé en 2019 une exposition alliant ses propres collections japonaises et certaines pièces du musée Guimet de Paris aux photographies de Charles Fréger. Ces dernières ont été rassemblées dans le livre Yokainoshima – célébration d’un bestiaire nippon, publié aux éditions Actes Sud avec une introduction de Ryoko Sekiguchi.
Yokainoshima – célébration d’un bestiaire nippon (2016), un recueil de photographies de Charles Fréger paru aux éditions Actes Sud.
Charles Fréger
Charles Fréger
Figures masquées illustrées par le studio Golden Cosmos issues de l'ouvrage Yokainoshima célébration d'un bestiaire nippon de Charles Fréger (2016) ©Golden Cosmos. Carte créée spécialement pour l'exposition au Musée des Confluences
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