Mariko Mori et sa “Tea Ceremony”, illustration des inégalités de genre au Japon
À travers cette performance, l'artiste analyse la manière dont un rite peut être révélateur des faiblesses de la société japonaise.
“Tea Ceremony II”, 1994 Cibachrome print, wood, aluminum, pewter frame 48 x 60 x 2 " © Sean Kelly Gallery
En 1988, c’est lors d’un séjour à Londres que l’artiste japonaise Mariko Mori fait un — triste — constat : « l’égalité hommes-femmes est plus avancée en Occident » que dans son pays natal. Comme elle l’explique dans une interview à Pen, ce choc survient plus précisément lorsqu’elle « voit une femme éduquée qui n’était employée qu’à servir du thé au bureau. » C’est là que germe l’idée de la performance Tea Ceremony (1994), dont sont extraites des photographies. « Les choses devaient changer, et cela m’a donné envie de travailler sur cette œuvre. »
Née à Tokyo en 1967, Mariko Mori s’exprime principalement à travers des installations et sculptures, explorant les thèmes de la vie, la mort, la réalité ou la technologie. Le travail de l’artiste, passée par le Bunka Fashion College de Tokyo et le Chelsea College of Art and Design de Londres, a été plusieurs fois présenté à la Biennale de Venise, et fait aujourd’hui partie des plus grandes collections muséales, dont celles du Centre Pompidou, du MoMA, du Guggenheim ou du Mori Art Museum.
Des contributions différentes à la société
Rituel de la culture japonaise, la cérémonie du thé vise à purifier l’esprit, et est intégrée à l’apprentissage du zen, une branche du bouddhisme japonais. Elle est depuis des siècles représentée dans la pratique artistique du pays. Mais, comme le souligne Mariko Mori, elle illustre également par certains aspects la dimension machiste de la société, et la question de la place des femmes. Dans Tea Ceremony, présentée en 2018 au Nezu Museum de Tokyo, l’artiste se met en scène servant le thé dans une tenue associant les codes d’une employée de bureau et ceux de la représentation des aliens. Les hommes installés autour d’une table, en réunion, l’ignorent, dans une attitude condescendante. L’artiste poursuit alors cette performance dans les rues et interpelle le public sur une question qui dépasse la sphère professionnelle. « C’était une forme de manifestation », explique Mariko Mori.
Si ces dernières décennies les choses ont quelque peu évoluées, et qu’il y a davantage « d’opportunités offertes aux femmes d’occuper des postes plus importants », le message demeure d’actualité. Au delà de la dimension machiste de la société, Mariko Mori s’intéresse à l’identité associée au genre et à sa redéfinition actuelle. Elle juge avoir acquis une expérience qui lui permet de « comprendre qu’un homme et une femme sont différents, et que la manière dont nous contribuons à la société peut varier, nous pouvons avoir des rôles différents ». Ce qui ne signifie pas que l’un se retrouvera en position subalterne. Tea Ceremony se veut un éclairage utile, « pour créer un monde meilleur », conclut Mariko Mori.
Représentée par la Sean Kelly Gallery de New York, l’artiste a eu l’opportunité de voir son travail présenté de manière pérenne à travers le monde, notamment l’installation haute de 58 mètres, Ring: One with Nature, dévoilée en 2016 à Rio de Janeiro dans le cadre des Jeux Olympiques ou Sun Pillar, mise en place en 2011 sur l’île de Miyako au Japon.
Tea Ceremony (1994), une performance de Mariko Mori dont certaines des oeuvres sont visibles sur le site de la Sean Kelly Gallery.
“Tea Ceremony I”, 1994 Fuji super gloss (duraflex) print, wood, aluminum, pewter frame 48 x 60 x 2 " © Sean Kelly Gallery
“Tea Ceremony III”, 1994 Cibachrome print, wood, aluminum, pewter frame 48 x 60 x 2 " © Sean Kelly Gallery
Tea ceremony for “Mariko Mori: Invisible Dimension” at Sean Kelly Gallery, New York, April 11, 2018. (Photo: Taka Imamura)
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