Super Extra Natural! la balade photographique japonaise d’Emily Shur
©Emily Shur
Emily Shur est une photographe américaine installée à Los Angeles spécialisée dans la photographie de portrait. Inconditionnelle du Japon, où elle a voyagé seize fois entre 2004 et 2016, Emily Shur a compilé ses douze ans de pérégrinations dans l’archipel nippon dans Super Extra Natural! Un ouvrage où se mêlent l’urbain et le rural, où les couleurs et les lignes sont des sujets photographiques à part entière, dans un Japon qui n’a, au fil des ans, cessé de se transformer.
La photographe nous a accordé une interview afin d’évoquer ensemble son travail japonais et les liens qui l’unissent à ce pays.
Vous avez voyagé 16 fois au Japon, entre 2004 et 2016, avec pour seul but de “voir ce qu’il y avait”. Qu’est-ce qui vous fascine dans ce pays ?
Je m’identifie à beaucoup de valeurs culturelles japonaises. J’aime l’ampleur du rôle que joue la nature dans tous les aspects de la vie japonaise. J’aime que l’artisanat y soit très apprécié. Mais aussi l’efficacité et la simplicité du design japonais. J’adore l’attention portée aux détails apparemment infimes, mais quand vous y êtes, vous vous rendez compte qu’ils ne le sont pas tant que ça. Les détails comptent, et ce sont ces détails qui distinguent le pays et sa culture.
©Emily Shur
Votre travail photographique dans Super Extra Natural! met en exergue le jeu des ombres, des couleurs, des formes. Est-ce quelque chose qui s’est imposé à vous une fois sur place ou bien était-ce votre idée de départ ?
J’ai toujours été attirée par ces éléments : la façon dont la lumière tombe sur un objet ou une scène, la manière dont les formes peuvent être disposées dans le cadre, la façon dont la palette de couleurs peut communiquer une ambiance. La technique ou les éléments techniques ne doivent pas détourner l’attention du contenu émotionnel de l’image, mais ils peuvent être utilisés comme des outils pour exprimer différents sentiments.
Vous avez voyagé au Japon bien avant que le pays ne devienne une destination à la mode. Avez-vous été témoin de changements liés à l’ouverture de plus en plus importante aux étrangers au cours de ces douze années ?
Lorsque je suis allée au Japon pour la première fois en 2004, je n’avais pas de téléphone avec Google ou Apple Maps. Je me suis beaucoup appuyée sur des copies papier des cartes ferroviaires et des plans de métro et en suivant les panneaux à l’intérieur et à l’extérieur des gares. Il y avait des moments où je ne trouvais pas du tout ma destination et je finissais par avoir une expérience complètement différente de celle que j’avais l’intention de vivre. Maintenant, je connais mieux la configuration du pays, et il y a aussi tellement d’applications – cartographiques, de traduction, de restaurants, touristiques… À bien des égards, la technologie a rendu le Japon plus accessible, ce qui est bien sûr une chose positive, mais il m’arrive d’être un peu nostalgique. Le mystère faisait partie du plaisir.
©Emily Shur
Vous avez dit que vous ne vouliez pas faire de ce voyage photographique japonais un carnet de voyage ou un instantané de la société japonaise. Comment le décririez-vous ?
Ce travail a commencé comme une exploration d’un lieu inconnu, mais au fil du temps est devenu une exploration de ma relation avec la photographie elle-même. C’est devenu un moyen pour moi de renouer avec ce que j’aime tant dans la prise de photos qui prend essentiellement le temps de voir les choses. Au quotidien, je photographie beaucoup de campagnes publicitaires et beaucoup de célébrités. Il y a beaucoup de réunions, de conférences téléphoniques, d’éclairage, d’accessoires, de garde-robe, de coiffure, de maquillage… Nous pouvons parfois avoir plus de 50 personnes sur le plateau.
Mon travail au Japon est une manière beaucoup plus silencieuse et plus introspective de travailler. Toutes mes photos sont prises avec le même boîtier et un ou deux objectifs. Je n’éclaire rien et n’utilise aucun trépied. Je me promène et photographie ce qui attire mon attention. J’ai essayé de rendre l’acte de prendre les photos aussi agréable que possible pour ne pas que cela devienne un fardeau.
Comment parvient-on à trouver de la nouveauté en seize ans ?
J’ai certainement traversé des moments où je me suis ennuyée de ma propre pratique et finalement de mes photographies. Certains voyages ne donnent pas beaucoup ou alors uniquement des images fortes. Lorsque cela s’est produit, j’ai planifié le prochain voyage dans une partie du pays que je n’avais jamais visité avant, ou pendant une saison que je n’avais pas encore vécue là-bas mais dans un endroit familier.
Les saisons au Japon jouent un grand rôle dans l’aspect et la convivialité des images. La palette de couleurs change, la lumière est différente et de nombreuses activités sont saisonnières. Même dans une ville comme Tokyo où je suis allé de nombreuses fois, je découvre des choses sur la ville que je ne connaissais pas ou que je n’avais pas déjà vues en fonction de la période de l’année où je la visite.
©Emily Shur
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