Takashi Murakami, un monde à part

Sa marque de fabrique : une esthétique kawaii pop, où figurent de nombreux éléments politiques, culturels, religieux ou sociaux japonais.

20.02.2020

TexteClémence Leleu

© Galerie Perrotin

Un univers pop, naviguant entre l’iconographie bouddhique et les héros de manga, le travail de l’artiste plasticien Takashi Murakami est facilement reconnaissable. « C’est par le biais des manga que je suis arrivé dans l’art », précise Murakami dans les colonnes de Libération. « Quand j’étais étudiant, je voulais faire des manga, comme tous les grands créateurs à cette époque-là. Mais comme je n’avais pas suffisamment de talent, j’ai décidé d’étudier des thèmes et techniques plus classiques. Et ce n’est qu’une fois devenu artiste que j’ai pu revenir aux manga en travaillant à partir d’eux. »

 

Un art en réaction à l’absence de scène contemporaine japonaise

Car si Takashi Murakami inonde ses toiles et autres créations de couleurs saturées et de motifs psychédéliques, l’artiste s’est formé à l’Université des Arts de Tokyo à la peinture classique. Et notamment au nihonga, un courant né à la fin du XIXème siècle, hybridation de l’art japonais et européen. Fort de ces nouvelles compétences, il se met en quête d’un style plus personnel, en réaction notamment à l’absence d’une scène japonaise contemporaine et à la domination culturelle des États-Unis.

Se dessinent alors les contours de ce qui fera, pour les décennies à venir, sa marque de fabrique : une esthétique kawaii pop, où figurent toutefois de nombreux éléments politiques, culturels, religieux ou sociaux japonais. Tsunami, bombardements, tremblements de terre… Les références historiques sont nombreuses, bien souvent entourées par des milliers de fleurs multicolores. Takashi Murakami devient alors un des chefs de file du néo pop japonais, dit Superflat, tout en revendiquant l’héritage de Andy Warhol. Il fonde même sa propre factory en 1995, Hiropon Factory, rebaptisée en 2001 la Kaikai Kiki corporation, qui soutient de jeunes artistes et commercialise des produits dérivés de ses oeuvres.

 

Le trublion japonais à Versailles

Son plus beau fait d’armes ? L’installation de ses oeuvres au château de Versailles, où l’artiste investit les grands appartements et la galerie des glaces. Dob gigantesque, ballons géants en plastique coloré et oeuvres monumentales tranchent avec le classicisme des lieux. Ce qui lui vaudra, comme à Jeff Koons invité quelques années avant lui, une belle polémique de la part de puristes souhaitant que Versailles ne cède pas aux sirènes de la pop culture.

Car derrière celui qui fût classé en 2008 par Time Magazine parmi les 100 personnes les plus influentes au monde, se cache également un business man. « J’ai compris que le marché de l’art peut être comparé à celui de la mode », confie Murakami à un journaliste du Monde. « Il est variable, change tous les six mois. Je suis réactif et réponds à ce marché. » Derrière ses toiles au gigantisme impressionnant se cache en réalité une multitude de petites mains. 70 assistants travaillent quotidiennement à la production prolifique de l’artiste. Ainsi, apparaissent au dos des toiles les noms des différentes personnes ayant participé à l’élaboration du tableau, à l’instar d’un générique de film.

 

Un artiste enclin à la collaboration

Celui qui aime à se cacher derrière son avatar, Mr Dob, un personnage inspiré de plusieurs figures comme Doraemon, Sonic et Mickey Mouse, au visage rond comme la lune et aux oreilles en forme de soucoupe, multiplie également les partenariats. Il signe par exemple en 2003 une collaboration avec Louis Vuitton, époque Marc Jacobs. Par la suite, c’est le musicien Kanye West qui fait appel à lui pour la pochette et l’artwork de son album Graduation et la réalisation du clip “Good Morning”. En 2019, Murakami est à la manette du clip d’une des artistes les plus en vogue du moment, Billie Eilish, et réalise même une figurine de l’artiste en édition limitée. Une profusion créatrice plébiscitée par certains et décriée par d’autres, mais qui de toute évidence, ne semble pas freiner l’artiste qui a clôt, en 2019, sa 14e exposition à la prestigieuse galerie Perrotin à Paris.

 

Takashi Murakami, Baka, Solo Show (2019), une exposition à la Galerie Perrotin de Paris. Takashi Murakami poste aussi régulièrement sur son compte Instagram.

© Galerie Perrotin

© Galerie Perrotin

© Galerie Perrotin

© Galerie Perrotin