Yozo Hamaguchi, jouir de l’obscurité
Les gravures de l’artiste ont le pouvoir de faire émerger des profondeurs les éléments représentés, se jouant des plans.
Yozo Hamaguchi - “Bottles with Lemon and Red Wall” (1985) © Denis Bloch Fine Art
Mise au point au XVIIème siècle par l’artiste allemand Ludwig von Siegen, la technique de la manière noire, également appelée « mezzotinte » ou « demi-teinte », est aujourd’hui associée au travail d’une poignée d’artistes, parmi lesquels les japonais Mikio Watanabe, Kiyoshi Hasegawa ou Yozo Hamaguchi, qualifié dans cet ouvrage de « Master of the Mezzotint. »
C’est pourtant dans un univers éloigné de celui artistique que naît ce dernier en 1909 ; avec un père président de Yamasa Shoyu, producteur de sauce soja depuis 1645. Après un passage par l’Université des Arts de Tokyo — où il étudie la sculpture —, Yozo Hamaguchi se rend en France pour étudier les beaux arts, avant d’être amené à rentrer au Japon à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, et d’être mobilisé dans la guerre du Pacifique. Il retourne à Paris en 1953 avec sa femme, la poète et artiste Keiko Minami.
Jaillir et suggérer
La manière noire est une technique complexe de gravure en creux ; elle permet de créer une grande diversité de noirs. L’intérêt de Yozo Hamaguchi pour la manière noire serait né de sa rencontre avec le poète américain Edward Estlin Cummings, qui lui aurait suggéré, après avoir vu ses dessins, de poursuivre son travail en explorant cette voie. Yozo Hamaguchi lui rend hommage cinquante ans plus tard avec la série e.e.cummings suite, basée sur les vers du poème “anyone lived in a pretty how town”.
Yozo Hamaguchi arrive à faire jaillir de l’ombre les sujets de ses œuvres, de se jouer des gravités. Parmi les fruits et légumes mis en scène dans ses tableaux, des citrons, des grenades, des épis de maïs, des pastèques ou des cerises — qu’il utilisera pour l’affiche officielle des jeux olympiques d’hiver en 1984, à Sarajevo. Comme le souligne la spécialiste Marjorie Katzenstein, ses gravures font notamment référence au travail des surréalistes européens, et recèlent nombre d’allégories sexuelles.
Après avoir également séjourné à San Francisco, l’artiste retourne au Japon en 1996, où il décède en 2000.
Les œuvres de Yozo Hamaguchi sont notamment à découvrir au sein du musée qui lui est consacré à Tokyo.
Yozo Hamaguchi, “Black Cherries” (1965) - Grand Prix, 4th International Exhibition of Graphic Arts, Ljubljana, 1961.
Yozo Hamaguchi, “Twenty-Two Cherries e.e.cummings Suite” (1988) - © Denis Bloch Fine Art
Yozo Hamaguchi, “Cherry and Asparagus” (1973) - © Denis Bloch Fine Art
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