“Ama, le souffle des femmes”, une odyssée féministe et familiale
À travers le récit initiatique d’une jeune citadine, ce roman graphique rend hommage à la communauté des « femmes de la mer ».

Cécile Becq © Sarbacane
Japon, fin des années 1960. Nagisa, une jeune tokyoïte pudique, retrouve sa tante Isoé sur l’île de Hegura afin de fuir son passé et les drames familiaux. Loin du rythme frénétique de la capitale, le personnage principal découvre ses racines inconnues grâce aux maîtresses de l’archipel, les ama. Fidèles aux traditions, ces dernières plongent en apnée, nues, afin de pêcher des ormeaux.
Publié en mai 2020, le roman graphique Ama, le souffle des femmes est écrit par Franck Manguin et illustré par Cécile Becq. Avec ses planches envoûtantes et parfois silencieuses, le récit chronologique invite à la mélancolie. Le choix d’un traitement de couleurs en trois nuances avec une omniprésence d’un bleu indigo procure un sentiment de plénitude. « Le souffle, c’est à la fois la respiration, la force de vie, le courage, la lumière. Cette BD est un hommage à toutes les femmes et à de nombreuses facettes de leur condition », expliquait la dessinatrice à Talpa Mag.
Un portrait de femmes héroïques
Dans ce conte féministe, les ama, qui incarnent des femmes fortes, sauvages et indépendantes, sont mises à l’honneur. Ce sont elles qui dirigent au sein de l’île de Hegura. Elles plongent, procurent les ressources des foyers, prennent les décisions au conseil du village et président les cérémonies religieuses. Ces pêcheuses engagées luttent sans cesse pour préserver leur dignité face au regard des hommes extérieurs qui érotisent leurs corps libérés et décomplexés.
« Mon intention était de montrer la beauté des gestes, cette danse aquatique très lente, très fluide en immersion. Une grâce infinie se dégage de tous les mouvements en plongée. Je voulais aussi souligner une attitude de battante alerte, à l’affût de quelque chose. Tous les sens sont aiguisés pour rappeler la difficulté du métier », révélait Cécile Becq à propos de la couverture de l’album pour Talpa Mag.
Une résistance des valeurs traditionnelles
En confrontant tradition et modernité, la bande-dessinée met en lumière le combat des ama face à la pêche massive et irrespectueuse de l’environnement. Grâce à l’initiation de Nagisa, étrangère aux moeurs et coutumes des femmes de la mer, le lecteur découvre un métier rude, aux techniques ancestrales qui sont en train de disparaître.
Ce conflit s’illustre à travers l’évolution de la jeune protagoniste, de ses relations familiales et de son héritage. D’abord considérée comme une citadine prétentieuse, incapable de s’ouvrir au mode de vie de la communauté, elle va, au fil des pages, s’assumer et apprécier les profondeurs de la mer. L’héroïne, qui représente l’esprit des nouvelles générations de l’époque, n’en reste pas moins tiraillée entre son envie de vivre en ville et son attachement aux traditions.
Ama, le souffle des femmes (2020), un roman graphique de Franck Manguin et Cécile Becq publié par les éditions Sarbacane.

Cécile Becq © Sarbacane

Cécile Becq © Sarbacane

Cécile Becq © Sarbacane
LES PLUS POPULAIRES
-
« C’est un plaisir sincère que mes objets soient reconnus comme appartenant au cercle du Mingei »
Les couverts de laiton soigneusement façonnés par Ruka Kikuchi dans son atelier de Setouchi sont appréciés dans tout le Japon et ailleurs.
-
« Le Mingei reste toujours insaisissable, cent ans après sa naissance »
Sō Sakamoto est un potier d’Onta-yaki, une forme de céramique datant du XVIIIe siècle mise en avant par Sōetsu Yanagi, fondateur du Mingei.
-
« On dit souvent qu’il faut apprendre de ses échecs… mais est-ce vraiment si simple ? »
Dans “Guide de survie en société d'un anti-conformiste”, l'auteur Satoshi Ogawa partage ses stratégies pour affronter le quotidien.
-
Du Japon vers le monde, des photographes appelés à s’imposer à l’international
Le T3 PHOTO FESTIVAL 2025 expose cinq photographes japonais émergents et confirmés, afin de soutenir leur rayonnement à l’étranger.
-
“Le Japon interdit”, l'oeil d’Irina Ionesco
Dans cet ouvrage, la photographe va au plus près des corps, révélant ceux, tatoués, de “yakuza” ou celui, érotisé, d'une artiste underground.



