La pop japonaise expérimentale et révolutionnaire, à l’époque du CD

“Heisei No Oto” réunit les trésors enfouis de la pop japonaise, et dévoile le bonheur né du nouvel horizon technologique des années 1989-1996.

04.06.2021

TexteMiranda Remington

“Heisei No Oto: Japanese Left​-​field Pop From The CD Age, 1989​-​1996”. (MUSIC FROM MEMORY • 2021)

L’intérêt croissant pour les disques japonais des décennies passées s’explique par l’éclectisme de leurs genres. La musique japonaise présente à l’Occident un miroir intrigant, fait de rythmes associant l’ambient au jazz, la new wave à la house, le tout avec une sensibilité pop unique.

Mais plutôt que de se concentrer sur les vinyles les plus rares, Heisei No Oto – Japanese Left-field Pop from the CD Age (1989-1996) — une compilation réalisée par un disquaire d’Osaka, Eiji Taniguchi, et publiée par le label néerlandais Music from Memory en mars 2021 — prouve, surtout dans un pays où les passionnés restent fidèles au CD, que l’art de la pop japonaise est peut-être plus appréciable et fluide dans sa version digitale. Le titre de l’album renvoie à une période où le Japon était dirigé par l’empereur Akihito, mise ici en avant pour avoir été celle de la révolution de l’univers musical avec l’essor du CD.

 

Le son de la paix

Les archives réunies dans cette compilation résonnent comme une utopie spacieuse. Ici, les airs rêveurs des samples glissent sur des synthétiseurs japonais, des percussions douces et, de temps à autre, des instruments traditionnels. Chaque chanson, soigneusement tirée de l’obscurité muette par Eiji Taniguchi, s’épanouit dans sa propre saveur éthérée. Ainsi, “Mermaid” de Dido associe des chants folkloriques avec des sons trip-hop, quand “Stop Me” de Tadahiko Yokogawa combine des mélodies MAO avec des percussions acoustiques de jazz. D’autres chansons sont directement liées aux sons mythiques de la pop japonaise. Yosui Inoue, surnommé le « Bob Dylan japonais », réunit un doux marimba et des sons haletants d’accordéon dans “Pi Po Pa”, tandis que Haruomi Hosono  (dont, sans surprise, plusieurs chansons sont présentes dans la compilation), membre du groupe Love Peace & Trance, amène l’auditeur à une paix intérieure avec le méditatif “Yeleen”.

L’ère Heisei a été marquée par l’arrivée en ville de grands distributeurs de musique qui ont défini les codes de la scène pop urbaine, tout en laissant une grande latitude aux expérimentations musicales soutenues. Les genres alors plébiscités ont permis de remettre la musique japonaise sur le devant de la scène, dans une démarche nostalgique, à travers les hymnes pop urbains, ou grâce au pouvoir évocateur de l’ambient. S’ils ont été mis en lumière par l’avant-garde de l’innovation musicale, les nouveaux outils numériques les ont rendus disponibles à un public plus large. Marquant le début de la culture de l’extrait musical, les CDs ont permis la déstructuration de la musique, le partage d’une joie psychédélique et secrète au sein de la nouvelle génération de Japonais.

Cette nouvelle ère, placée sous le signe de l’harmonie — Heisei se traduit littéralement par « accomplissement de la paix » —, offrait ainsi une promesse de stabilité après une Histoire marquée par les épreuves sociales. Son autre lecture, « paix partout » est pourtant peut-être devenue plus répandue, et ces perles musicales ramenées de cette ère font écho au message pacifiste qui la caractérisait.

 

Heisei No Oto: Japanese Left​-​field Pop From The CD Age, 1989​-​1996 (2021), une compilation disponible sur la page officielle de Music for Memory.

 

Mimori Yusa, Member of Love Peace & Trance and a prolific J-Pop Star. Courtesy of Music from Memory.

Miyako Koda, member of Love Peace & Trance, otherwise known as a member of Dip in The Pool. Courtesy of Music from Memory.

Haruomi Hosono, member of Love Peace & Trance, and genious of Japanese pop. Courtesy of Music from Memory.

Mishio Ogawa, member of Love Peace & Trance.

Tadahiko Yokogawa, who did track 'Stop Me'. Courtesy of Music from Memory.

Keisuke Kikuchi, who did track ‘Retro-Electric’. Courtesy of Music from Memory.

Members of Dido, Shizuru Ohtaka & Michiaki Kato, who did track ‘Mermaid’. Courtesy of Music from Memory.

Courtesy of Music from Memory.