“Kiren”, la perle redécouverte du saxophoniste Yasuaki Shimizu
Ce chef d'oeuvre inédit de 1984 révèle une nouvelle facette des excursions atmosphériques du compositeur, producteur et interprète.
Yasuaki Shimizu, “Kiren” (1984, réédité en 2022). Palto Flats.
Avec ses riffs folk emmenés par son saxophone, le compositeur Yasuaki Shimizu évoque d’utopiques royaumes qui reflètent le caractère rêveur de la scène new wave japonaise des années 1980. Avec plusieurs de ses oeuvres déjà rééditées et considérées rétrospectivement comme des classiques, le musicien est remis une nouvelle fois sur le devant de la scène avec Kiren. Cet album, rassemblant des morceaux de 1984 réédités pour la première fois en février 2022 par Palto Flats, comprend certains de ses passages les plus expérimentaux.
Avec sa série de vignettes cristallines, Kiren se déploie en fines couches d’électronique. L’esprit du jazz, méticuleusement étudié par le musicien japonais, filtre à travers une brume d’ambient music qui suscitait l’enthousiasme des cercles tokyoïtes d’art-pop à l’époque. En résulte une chimère résistant à toute classification, hors de tout genre et repoussant la sentimentalité de la folk japonaise au-delà d’une simple instrumentation.
D’insaisissables contours
L’oeuvre du début des années 1980 de Yasuaki Shimizu est admirée pour ses références à une pop ethérée et au folk, et pour avoir allié les synthétiseurs de l’ambient music au jazz. En quarante ans de carrière, le musicien, producteur et compositeur a touché à un nombre impressionnant de styles, composant aussi bien des bandes originales récompensées aux Oscars que créant des installations sonores avec des collaborateurs aussi variés et rénommés que Nam Jun Paik ou Ryuichi Sakamoto. Yasuaki Shimizu a créé des sonorités pour des sociétés comme SEIKO, Honda et Sharp, tout en continuant d’expérimenter à côté lors de nombreux projets plongeant dans divers langues et traditions du monde, parfois réinventant de manière surprenante des classiques à l’aide de nouvelles technologies. Ses oeuvres de jazz-fusion, notamment celles créées avec son groupe de folk expérimentale Mariah, sont admirées encore aujourd’hui pour leur côté envoûtant. Transcendant les genres existants, ses combinaisons uniques de sonorités exotiques et de tonalités futuristes ont ouvert les portes de mondes rêvés.
Considéré comme un album “perdu” jusqu’à sa récente réédition, l’ambigu opus Kiren peut être considéré comme le zénith artistique de Yasuaki Shimizu. Il a été composé peu après son album le plus célèbre Kakashi (1982) et Utakatano Hibi (1983) de Mariah, dans un moment de totale liberté en-dehors de tout projet officiel. Kiren capture donc sa créativité à son meilleur. Le rythme de morceaux comme ‘Asate’ et ‘Shiasete’ annonce la radicalité de la nouvelle electronica tout en répandant un folklore insaisissable avec son saxophone. Les étranges tonalités de ‘Momo No Hana’ ou ‘Ore No Umi’ présagent du caractère spectral de genres contemporains comme la vaporwave, tout en ravivant l’atmosphère animée des enregistrements en extérieur auxquels Yasuaki Shimizu s’est essayé dès sa jeunesse. Tout au long de cet album, l’artiste travaille les harmonies du folk japonais, mêlant histoire païenne et modernité électronique. Mais c’est dans la nostalgie qui se dessine derrière les sciences-fictions du quotidien que baigne ce disque, dont la rêverie dépasse l’identité japonaise et continue d’émouvoir le reste du monde des décennies plus tard.
Kiren (1984) un album de Yasuaki Shimizu disponible sur la page bandcamp de Palto Flats.
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