“La voix sombre”, le son des absents
L’écrivaine Ryoko Sekiguchi s'interroge sur ce qu’il reste d’une voix, lorsque son ou sa propriétaire n’est plus.

© Éditions P.O.L
Celle qui vit en France depuis plus de vingt ans, et écrit en français depuis 2003, convoque dans La voix sombre, paru en en 2015, l’intime et l’universel. Un deuil personnel, celui de son grand-père, décédé il y a quelques années au Japon alors qu’elle vivait à Paris, constitue le point de départ de ce court ouvrage.
“La seule partie du corps que l’on ne peut pas enterrer”
C’est par l’intermédiaire d’une voix étrangère, filtrée par le combiné d’un téléphone, que Ryoko Sekiguchi apprend qu’elle n’entendra plus jamais celle de son aïeul. Une voix dont elle peut convoquer les sonorités de mémoire, mais qu’elle n’a jamais pensé à enregistrer. Que reste-t-il alors de celles et ceux dont les voix ne pourront plus jamais résonner et ainsi déjouer les plans de la mort, les faisant en quelque sorte réapparaître le temps d’un bref instant ? Car s’il y a les objets, les parfums, souvenirs matériels et tangibles, la voix est selon l’écrivaine le prolongement de l’être : « La seule partie du corps que l’on ne peut pas enterrer. »
La voix sombre est celle des proches des défunts, voilée par la tristesse, ou alors peut-être celle de celui ou celle qui s’apprête à nous quitter et dont Ryoko Sekiguchi estime qu’elle se pare déjà de nouveaux sons, symbolisant cet état d’entre-deux mondes. L’écrivaine questionne les sons et les silences, ceux des vivants, des morts et leurs traces délébiles. Sans tristesse et avec superbe, rendant presque l’enregistrement vocal de nos proches d’une urgence vitale.
L’auteure avait auparavant déjà traité du deuil dans un livre consacré à la catastrophe de Fukushima.
La voix sombre (2015), un ouvrage de Ryoko Sekiguchi, publié aux éditions P.O.L.

Ryoko Sekiguchi © Hélène Bamberger / P.O.L
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