Le Japon des années folles
Un ouvrage retrace les grands bouleversements de la société japonaise de l'époque, qui développe une culture moderne teintée de capitalisme.
© Éditions Picquier
L’ère modan, de l’anglais modern, débute par un cataclysme : le tremblement de terre du Kanto en 1923. Tokyo est partiellement détruite et débute alors quelques mois plus tard sa reconstruction. Reconstruction qui sonne l’accélération et la modernisation de la ville. Modan est synonyme de nouveau monde, de pratiques nouvelles telles que les grands magasins, les cinémas et leurs films hollywoodiens, les dancings et leurs orchestres de jazz. Un vent d’avant-garde, teinté de capitalisme et d’American Way of Life.
Modan — La ville, le corps et le genre dans le Japon de l’entre-deux-guerres, ouvrage choral dirigé par Sandra Schaal, explore, par l’intermédiaire de multiples contributions de spécialistes du Japon, comment, entre la deuxième moitié des années 1920 et le début des années 1930, le modernisme japonais révolutionne la culture et les modes de vie urbains.
Une époque contrastée
L’ouvrage dissèque ainsi l’avènement de la société industrielle, et avec elle, l’émergence d’une nouvelle classe moyenne avec des femmes qui font leur entrée massive sur le marché du travail et ainsi, dans l’espace public urbain. Une révolution du féminin, portée par le cinéma, la publicité et la presse magazine : des femmes aux cheveux courts, brisant les codes esthétiques d’une société japonais ultra-normée.
« La modern girl était perçue à la fois comme le symbole de son époque dans son avant-garde sociale et comme l’emblème d’un choc des cultures et des valeurs lié à l’avènement du modernisme. Associée à la nouveauté et à l’altérité, elle reflétait la visibilité croissante des femmes dans l’espace public et leurs identités changeantes, affirmant sa différence pour embrasser une forme de subjectivité que le droit et la morale refusaient encore de leur accorder », peut-on lire dans l’ouvrage.
Mais il serait réducteur de ne s’attacher qu’aux révolutions positives. Modan — La ville, le corps et le genre dans le Japon de l’entre-deux-guerres met également en exergue les rapports de force, les contradictions et antagonismes que porte cette décennie, menant inexorablement à un militarisme exacerbé.
« Si le modernisme japonais fit flotter dans l’air un “esprit d’une nouvelle ère” festif, joyeux et parfois décadent, il n’en fut pas moins traversé par des courants contraires, “traditionalistes” et réactionnaires qui, à terme, firent basculer le Japon dans l’ultranationalisme, le militarisme, et la guerre. »
L’incident de Mandchourie de 1931 signe le premier pas vers un retour à la « tradition » où la femme, la ville et le corps se doivent d’être davantage contraints pour « faire nation », avant que le Japon ne s’apprête à entrer dans la Seconde Guerre mondiale.
Modan — La ville, le corps et le genre dans le Japon de l’entre-deux-guerres (2021), un ouvrage sous la direction de Sandra Schaal publié par les éditions Picquier.
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