Mishima, héritier de la tradition samurai

Tout au long de sa vie, l'écrivain fit siens les préceptes des guerriers japonais, de leur code d'honneur à leur approche de la mort.

15.09.2020

TexteClémence Leleu

Yukio Mishima at 30 years old lifting weight in his garden © Asahi Shinbun, public domain

« Je découvris que la voie du samurai, c’est la mort », écrit Yukio Mishima dans son ouvrage Le Japon moderne et l’éthique samourai, publié en 1967. La question de la mort est un élément central de la vie et de l’œuvre de l’écrivain. Cette obsession atteint son paroxysme le 25 novembre 1970, lorsque Yukio Mishima se suicide par seppuku, emblème de la tradition samurai dont il se voulait héritier, en se tranchant le ventre avant que l’on ne le décapite.  

Mishima a alors 45 ans et est auteur de romans à succès mais aussi dramaturge et poète. Trois ans plus tôt, il publiait Le Japon moderne et l’éthique samourai, une étude approfondie d’un des textes qui a irrigué sa vie : le Hagakure, un traité du XVIIème siècle qui énonce les principes fondamentaux de l’ordre des samurai, composé par Jocho Yamamoto. 

Yukio Mishima découvre cet ouvrage pendant la Seconde Guerre mondiale, avant que ce traité ne disparaisse du Japon après Hiroshima. Il s’imprègne alors du stoïcisme radical de ces anciens guerriers japonais et s’évertue à suivre les codes samurai : honneur, fidélité, courage, bonté ou encore droiture. L’auteur du Pavillon d’or va jusqu’à trouver des similitudes entre l’évolution des mœurs au début du XVIIème siècle et celles des années 1950. Il établit aussi un point commun entre lui-même et Jocho Yamamoto : le rejet, la protestation contre son époque.

 

La mort comme but ultime

Dans les dernières années de sa vie, Mishima est fasciné par la mort. Très présente dans ses derniers livres comme Le marin rejeté par la mer ou encore Une vie à vendre, elle devient la clé de voûte de son système. Non pas comme une passion kamikaze mais comme un devoir de sublimer sa vie. « Si l’on veut devenir un parfait samurai, il est nécessaire de se préparer à la mort matin et soir, et jour après jour. Le samurai qui est constamment préparé à la mort, celui-là a maîtrisé la voie du samurai et saura, sans jamais faillir, vouer sa vie au service de son seigneur », écrit d’ailleurs Yukio Mishima dans son ouvrage Le Japon moderne et l’éthique samourai.

Une préparation à laquelle se plia l’auteur, avant l’apothéose que fût son suicide. Un coup d’éclat qui ne manqua pas de faire réagir ses contemporains, comme l’écrivain Henry Miller qui détaille dans Virage à 80 que l’auteur japonais « voulait rétablir la dignité, le respect de soi, la fraternité véritable, la foi en soi, l’amour de la nature et non pas l’efficience, l’amour du pays et non le chauvinisme, l’empereur comme symbole de commandement, par opposition à l’anonymat du troupeau stupide, docile aux changements idéologiques, dont les valeurs sont fixées par les théoriciens de la politique. » Ou encore Marguerite Yourcenar qui lui consacre l’essai Mishima, ou la vision du vide et qui dira de l’auteur de La mer de la fertilité :  « la mort de Mishima est une de ses œuvres et la plus soigneusement préparée. »

 

Le Japon moderne et l’éthique samourai (1985 pour la version française), un livre de Yukio Mishima publié aux éditions Gallimard.

Yukio Mishima delivering a speech on the balcony of the Japan Ground Self-Defense Force (JGSDF) building in Tokyo in 1970, before committing suicide with a short sword © ANP scans 8ANP 222)