Sawako Ariyoshi, la Simone de Beauvoir japonaise

28.01.2020

TexteClémence Leleu

Sawako Ariyoshi, née en 1931, est une des écrivaines japonaises phare du XXe siècle. Son succès, monumental dans le Japon d’après-guerre, fut à la hauteur des controverses qu’elle suscita, tant les thèmes abordés dans ses romans bousculaient les codes bien établis d’une société nippone conservatrice. Des sujets qui sont aujourd’hui résolument dans l’air du temps.

L’auteure naît dans la ville côtière de Wakayama, avant de quitter le Japon à six ans pour s’établir avec ses parents en Indonésie en 1937. Quatre ans plus tard, la famille est de retour dans l’archipel et prend ses quartiers à Tokyo. La jeune femme se lance, à la fin du lycée, dans des études de littérature et de théâtre, son père étant un grand adepte de kabuki, le théâtre traditionnel japonais. Après un cursus à la Tokyo Woman’s Christian University, Sawako Ariyoshi s’envole pour New York où elle étudie le théâtre, sur invitation de la fondation Rockefeller.

Si l’auteur signe quelques pièces de théâtre, elle est davantage connue pour sa production romanesque. Son premier ouvrage Jiuta, est publié en 1956. Sawako Ariyoshi publiera, au cours de sa carrière, – subitement interrompue par son décès d’une crise cardiaque en 1984 – pas moins de soixante romans, traduits en douze langues. Son regard acéré sur la société japonaise couplé sa vision féministe en font à la fois une écrivaine à succès qui a vu nombre nombre de ses oeuvres adaptées à la télévision et au cinéma, et une paria dans le petit milieu littéraire nippon, encore trop conservateur pour comprendre l’avant-garde de ses écrits.

Deux de ses oeuvres sont particulièrement marquantes : Les dames de Kimoto, publiée en 1959 et vendue à plus de 3 millions d’exemplaires au Japon, narre le récit des amours, des passions et des drames vécus par trois femmes de générations différentes, de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 50. Cette fresque sociale de la condition féminine sera adaptée par la NHK, puis transformée en long-métrage diffusé dans les salles obscures en 1966.

Les années du crépuscule, sortie en 1970, évoque quant à elle les thèmes sensibles de la démence, de la sénilité et du rôle des femmes dans la prise en charge des personnes dépendantes. L’héroïne Akiko, employée dans un cabinet d’avocat, doit assister son beau-père malade et répondre à ses moindres besoins. Une situation qui porte préjudice à sa carrière professionnelle tandis que son mari, salaryman d’une firme japonaise, ne bouscule en rien son quotidien pour venir en aide à son père.

Sawako Ariyoshi est à la tête d’un corpus foisonnant, où l’environnement (Ariyoshi Sawako no Chugoku Repoto, 1978) et la question raciale (Hishoku, 1967) sont également très ancrés. Elle obtient en 1966 le prix de littérature féminine, décerné chaque année à des ouvrages exceptionnels de femmes écrivaines au Japon, et est couronnée du prestigieux Grand Prix de littérature japonaise en 1970 pour son roman dédié au kabuki Izumo no Okuni.