Shinji Aoyama, cinéaste des marges
Peu de cinéastes reconnus se soucient de la transmission de leur savoir. Ce n’est pas le cas de Shinji Aoyama qui a pris une pause de cinq années dans la réalisation pour enseigner la théorie du cinéma à l’université d’art de Tama.
À quelques mois de son retour derrière la caméra avec son producteur fétiche Takenori Sento, il était de passage à Paris dans le cadre de la rétrospective « 100 ans de cinéma japonais » à la Maison de la Culture du Japon.
« Je me sens comme un frère du cinéma français »
Le réalisateur participait à une discussion après la projection de son film Eureka, chef-d’œuvre sorti en 2000 et lauréat du prix de la critique internationale et du prix du jury œcuménique à Cannes.
Dans ce road movie en noir et blanc, on suit l’épopée de deux frères et sœurs (la jeune fille est interprétée par Aoi Miyazaki) et du conducteur d’un bus, seuls survivants de la prise d’otages du véhicule. Une histoire de traumatisme et de résilience, déroulée sur plus de trois heures d’une esthétique à couper le souffle.
Eureka est le deuxième volet d’une trilogie consacrée à la région natale d’Aoyama, l’île méridionale de Kyushu, par ailleurs peu souvent à l’écran. En France, on se rappelle plus récemment de Tokyo Park sorti en août 2012 qui avait marqué par son usage du fantastique.
Shinji Aoyama est considéré comme le porte-étendard de la seconde Nouvelle Vague japonaise dite Nouvelle Vague « Rikkyo » du nom de l’université où ont étudié ses membres. Kiyoshi Kurosawa en est un membre proéminent et Aoyama fut longtemps son assistant réalisateur.
Pour PEN, le réalisateur-professeur raconte son rapport au cinéma et à la scène japonaise.
Quel rapport entretenez-vous avec le cinéma français ?
Mon cinéma est très influencé par le cinéma américain. C’est le cas du cinéma français qui s’en inspire aussi. Je me sens donc frère du cinéma français. Je recommande d’ailleurs souvent à mes étudiants des films comme Les règles du jeu de Jean Renoir.
Il y a vingt ans, vous avez écrit un manifeste de la Nouvelle Vague japonaise où vous faites mention d’un « système » cinématographique au Japon auquel il faudrait se plier pour parvenir à diffuser ses films. Vous y citez l’exemple de Kiyoshi Kurosawa qui a internalisé ce système et réussi à sortir du lot en le manipulant. Que reste-t-il aujourd’hui de votre analyse et de ce cinéma à la marge ?
Malheureusement, je fuis le cinéma japonais d’aujourd’hui. À ma connaissance, il n’y a pas de films récents qui me poussent à réfléchir. En cela, la situation n’a pas changé depuis vingt ans. Je crois que c’est à cause de notre paresse, à nous qui travaillons dans le cinéma au Japon. Il y a certes eu du progrès car les réalisateurs japonais sont de plus en plus nombreux à recevoir des prix en Europe, comme la palme d’or de Kore-Eda à Cannes ou la reconnaissance de Naomi Kawase. Malgré cela, le cinéma japonais a encore une étape à franchir et comme cela ne s’est pas encore produit, je sens une sorte de frustration.
Quelles surprises nous réservez-vous pour votre prochain film ?
Si un film ne surprend pas, alors ce n’est pas du cinéma. Nous en discutons souvent avec Kiyoshi Kurosawa. Le cinéma, c’est la surprise, la joie. C’est ce que nous devons préserver.
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