“The Sound of Water”, ou comment échapper au piège de sa vie
Dans ce court-métrage, le réalisateur J.B. Braud met en scène le processus amenant une femme, Chisato, à prendre la décision de disparaître.

© Pen Films
Comme nombre de faits divers l’illustrent, ce sont souvent les existences les plus plates, mornes, qui sont bouleversées par un événement pouvant être considéré comme mineur. Si le cinéma est un format d’expression à même de mettre en lumière un processus mental, intime, justifiant des choix de vie, le réalisateur J.B. Braud aime quand ceux-ci sont radicaux, instinctifs, irrationnels. Son nouveau court-métrage franco-japonais, The Sound of Water, illustre cette passion.
Après In the Still Night, J.B. Braud fait une nouvelle fois confiance à l’actrice Saki Asamiya. Celle-ci incarne Chisato, une femme dont la vie rurale est bousculée par des rencontres — Paul, interprété par Maximilien Seweryn ou Teruo, joué par Kentez Asaka — qui la conduisent à fuir, à tout abandonner. Cette nouvelle production de Pen Films, actuellement diffusée en France sur Canal Plus et au Japon sur Tsutaya TV, a en partie été réalisée au mont Koya, ou Koyasan, dans la préfecture de Wakayama, un lieu sacré du bouddhisme, dernière étape du pèlerinage des 88 temples de Shikoku.
Échanges.
Comment est né ce projet ?
L’idée est née à partir du lieu, Koyasan, une montagne sacrée à côté d’Osaka. Là-bas, une légende très connue décrit un homme qui quitte sa famille, toute sa vie, après avoir été témoin d’un événement qu’il considère comme une désillusion : des cerisiers perdant leurs fleurs avant le printemps. Ce qui est intéressant dans ce récit, c’est que la réaction de cet homme ne donne pas lieu à une morale, n’est pas justifiée dans le récit initial.
Dans The Sound of Water, Chisato a eu une liaison avec un homme — sans que la nature exacte de cette relation, le degré d’intimité entre les deux individus, ne soient connus. Cet épisode l’amène à abandonner sa vie, sa famille. Ce qui est interpelle dans ce récit, c’est que la réaction de cet homme, qui nous semble disproportionnée, ne donne pas lieu à une morale, n’est pas justifiée dans le récit initial.
Que nous dites-vous à travers ce film ?
Je veux mettre en lumière des choses dont on parle peu, connecter des mondes. Je suis fasciné par la question de la disparition volontaire, par ces gens qui décident de laisser leurs vies, quelles qu’en soient les raisons. C’est un sujet universel auquel je suis sensible. Qui n’y a jamais pensé ?
Chisato a trahi son foyer, et la situation devient trop dure pour elle. Elle est vraiment prise au piège car si elle accepte de reconnaître l’adultère (platonique ou pas), sa vie devient un enfer. C’est une situation bien plus oppressante quand elle est vécue dans des environnements ruraux, dans de plus petites communautés.
Comment évolue votre processus de travail avec cette nouvelle réalisation ?
C’est un film plus improvisé que mes précédents ; je dirais plus « animal », contrairement à In the Still Night où le résultat correspondait exactement au storyboard, où tout était précisé, maitrisé. Pour autant, The Sound of Water — tourné avec une caméra digitale — correspond à mon style, hyper cadré, hyper composé et ce, parce que je viens de la photographie. Le processus de création débute souvent par une histoire, puis on va chercher le lieu, les comédiens etc. Ici j’ai procédé par induction, j’avais déjà des éléments, et notamment Saki Asamiya, à qui j’ai immédiatement pensé.
À travers les séquences du court-métrage, vous mettez en avant des symboles, des marqueurs, des allégories, qui laissent place à une lecture propre à chaque spectateur.
Parfois on essaie de ne pas montrer les choses, pour ne pas se focaliser dessus, et c’est justement sur cela que j’appuie ici. Ce que j’aime c’est la pudeur, le symbole, le cadre. La théière rouge, qui fume, alors que Chisato est avec un amant, sans qu’on ait la certitude que la relation ait été consommée. Ozu en a fait une spécialité. Je trouve intéressant de garder une part de mystère, de ne pas tout montrer.
The Sound of Water (2021), un court-métrage réalisé par J.B. Braud à retrouver sur le site internet de Canal Plus en France et sur la plateforme Tsutaya TV au Japon.

© Pen Films

© Pen Films

© Pen Films

© Pen Films

© Pen Films

© Pen Films

© Pen Films
LES PLUS POPULAIRES
-
“L’Esprit Mingei au Japon”, le réveil de l’art populaire traditionnel
Apparu dans les années 1920, ce mouvement artistique à pour but de réaffirmer la valeur de l’artisanat nippon.
-
Ronin de Goede et le tatoueur des yakuza
La série de photographies “Asakusa” nous plonge dans l’univers du tatouage japonais, et ses liens avec l’univers du crime.
-
Le quotidien des SDF tokyoïtes
L’écrivaine Yu Miri aborde dans “Sortie parc, gare d’Ueno” la vie de ceux dont l’existence est encore taboue au Japon.
-
Recette de “sakura mochi” par Mathilda Motte
Cette pâtisserie traditionnelle se savoure à l’arrivée du printemps et notamment lors de la célébration de la fête des filles, début mars.
-
COMME des GARÇONS, la mode déconstruite de Rei Kawakubo
Erigée en opposition aux normes esthétiques occidentales la marque bouscule les notions de beauté, de genre et de corps.