Yukio Mishima et l’acceptation de son homosexualité dans le Japon d’après-guerre
Dans “Confessions d’un masque”, un roman inspiré de sa vie, il décrit la difficulté d'assumer sa différence dans une société conservatrice.

Yukio Mishima © Gallimard
Le 26 novembre 1970, le suicide de Yukio Mishima, alors âgé de 45 ans, avait stupéfié le monde de la littérature japonaise, et bien au-delà. Plus d’un demi-siècle après cet épisode, il est possible de se replonger dans Confessions d’un masque (1949), un roman d’inspiration autobiographique publié par l’écrivain alors qu’il était âgé de 24 ans.
Né en 1925 sous le nom de Kimitake Hiraoka dans une famille paysanne, l’auteur a été élevé par sa grand-mère, d’origine aristocratique, dans un cadre très strict. Il rejoint l’école de l’élite, Gakushuin, puis entre au Ministère des Finances après avoir été diplômé de l’Université de Tokyo. Celui qui a commencé à écrire dès l’âge de 12 ans démissionne finalement de son poste, après avoir été encouragé à publier ses textes par le grand écrivain Yasunari Kawabata. Sa vie, caractérisée par sa dimension théâtrale, prendra fin avec un seppuku — une forme de suicide réservée à l’aristocratie –, tel un samouraï.
Lutter contre ses pulsions
Publié aux lendemains de la guerre, Confessions d’un masque est le premier grand roman de Yukio Mishima. Dans ce court texte, considéré comme autobiographique bien que le nom du protagoniste et du narrateur ne soit jamais énoncé, Mishima met en scène la lente acceptation de sa différence et l’incapacité à trouver sa place dans le cadre offert par la société japonaise traditionnelle.
Le narrateur, qui s’éveille au désir, à son rapport aux autres, prend conscience de son homosexualité à travers la lecture d’un livre d’art présentant notamment l’œuvre Saint-Sébastien du peintre Guido Reni. Cette représentation, et la dimension sadique qu’elle recouvre, le touchent particulièrement. Le roman, qui dévoile ensuite son attirance pour des « bad boys » et un camarade de classe plein d’assurance, permet à Yukio Mishima d’aborder la question du refoulement, des mensonges qu’il entraîne. Au fil du récit, au ton sombre et anxiogène, l’auteur illustre la manière dont il lutte contre ses pulsions « et se fabrique un masque social qu’il porte chaque jour aux yeux du monde », précise le texte de présentation de la nouvelle traduction en français de l’ouvrage par la maison d’édition Gallimard.
Au-delà de la dimension autobiographique de l’ouvrage, l’auteur — dont la vie avait été retracée dans le film américano-japonais Mishima: A Life in Four Chapters (1985) du réalisateur Paul Schrader —, offre dans Confessions d’un masque une analyse de la société japonaise de l’époque, et de son conservatisme.
Autre ouvrage central dans l’œuvre de Yukio Mishima, Le Japon moderne et l’éthique samouraï (1967), permet de saisir la place centrale de la mort dans la pensée et la vie de l’auteur.
Confessions d’un masque (1949), de Yukio Mishima, nouvelle édition en français publiée en 2019 par Gallimard.

© Gallimard
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