COMME des GARÇONS, la mode déconstruite de Rei Kawakubo
Erigée en opposition aux normes esthétiques occidentales la marque bouscule les notions de beauté, de genre et de corps.
© Christian Markel / National Gallery of Victoria
Généralement associée à l’image du petit cœur rouge avec des yeux noirs, la marque COMME des GARÇONS, abrégée CDG, ne s’arrête pas à cet unique succès. Elle a été fondée en 1969 par l’énigmatique Rei Kawakubo, alors insatisfaite des vêtements proposés dans les magasins de l’époque.
Inspirée de la chanson pop-rock yéyé de Françoise Hardy, “Tous les garçons et les filles” (1962) pour son nom, la griffe japonaise à l’image avant-gardiste et punk donne le ton : l’anticonformisme.
Une ode à l’imperfection
Utilisation quasi-exclusive du noir, coupes asymétriques, déchirure volontaire des matières textiles… Marquée par son enfance dans l’après-guerre, Rei Kawakubo propose des pièces à contre-courant des tendances et bouscule les notions de beauté, de genre et de corps.
« COMME des GARÇONS est un cadeau pour soi, ce n’est pas quelque chose pour plaire ou pour attirer le sexe opposé », révélait-elle dans Vogue en 1995. Dans le monde de la haute couture, ses créations radicales provoquent de réels séismes en défiant les conventions. À cause des coutures apparentes et des tissus inhabituels, le premier défilé parisien en 1981 de la styliste japonaise est qualifié d’ « Hiroshima chic » par la presse car la beauté n’y rime pas avec élégance. En imposant sa philosophie rebelle, la couturière à la frange sévère est considérée comme la prêtresse du mouvement anti-fashion des années 1980 et sa marque CDG devient synonyme d’avant-gardisme.
Un empire en constante évolution
D’un modeste studio basé à Tokyo à des centaines de points de vente dans le monde entier, Rei Kawakubo a bâti un puissant empire avec en son sein de nombreuses franchises (COMME des GARÇONS Parfums, COMME des GARÇONS Play, COMME des GARÇONS Tricots). « Pour moi, je ne suis pas une créatrice de mode. J’utilise la mode comme un business », déclarait-elle à WWD.
Dans le but de toujours proposer des tenues ou des concepts précurseurs, elle mise sur le travail collectif en s’entourant de jeunes designers talentueux dont Junya Watanabe, Fumito Ganryu ou encore Chitose Abe. Et innove avec des initiatives au-delà des stricts défilés comme Six Magazine (1988) ou les concept-stores Dover Street Market (2004), impulsés par son époux Adrian Joffe.
Après plus de 50 ans de succès, le Metropolitan Museum of Art de New York rend hommage au travail visionnaire de la discrète femme d’affaires à travers l’exposition de 2017, Art of the In-Between (“l’art de l’entre-deux”), où 140 pièces uniques sont dévoilées. Il s’agit de la seule rétrospective que le musée a consacrée à un designer vivant depuis Yves Saint Laurent, réaffirmant le statut singulier de Rei Kawakubo sur la scène mode internationale.
Plus d’informations sur le site internet de COMME des GARÇONS.
© Christian Markel / National Gallery of Victoria
© Christian Markel / National Gallery of Victoria
© Christian Markel / National Gallery of Victoria
© Christian Markel / National Gallery of Victoria
© The Metropolitan Museum of Art
© The Metropolitan Museum of Art
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