Le prototype MID4 de Nissan se révéla être un mirage
Trois voitures japonaises vintage d’exception #03
Dans les années 1980, l’ère des voitures de sport super puissantes, rivalisant en rapidité et en originalité, prit fin pour faire place à une nouvelle ère technologique reposant sur la régulation électronique.
Sur ce point, ce fut l’entreprise Audi située en Allemagne (de l’Ouest) qui donna le coup d’envoi. En 1980, l’entreprise sortit l’Audi Quattro, un coupé à deux portières incluant un système à quatre roues motrices à prise permanente (4 × 4), dont la conception fut assumée par Ferdinand Karl Piëch, que l’entreprise avait repéré en 1972 chez Porsche lorsqu’il était directeur du département technique. Le changement de paradigme consista à se servir du système 4 × 4 – initialement conçu pour parcourir des routes difficiles – comme d’un outil permettant en toutes circonstances le transfert complet de la traction de la voiture sur le réseau routier. Un aménagement à même de titiller l’intérêt des ingénieurs du monde entier.
Dès 1982, une nouvelle catégorie de sport automobile – avec une réglementation pour les voitures de rallyes du Groupe B – fut lancée. Les deux cents voitures produites au cours des douze mois suivants étant alors en attente d’homologation (autorisation attribuée par une autorité publique), les fabricants se mirent l’un après l’autre à sortir des modèles en séries limitées.
Un modèle en particulier capta l’attention du public : la Groupe B de Porsche, rendue publique pour la première fois au salon de Francfort de 1983. Cette voiture de sport, qui passa en production limitée en 1985 sous le nom de Porsche 959 et qui collait parfaitement à la tendance, avait été judicieusement définie comme la « vitrine de la technologie de pointe ». Entre autres choses, elle présentait un châssis en résine composite contenant du Kevlar, mais aussi quatre roues motrices permanentes à pilotage électronique, permettant une répartition du couple entre train avant et arrière, ainsi qu’un moteur double turbo avec décalage turbo amélioré.
Nissan Motor s’orienta également vers la conception d’une voiture de sport en pariant sur sa commercialisation. Le véhicule qui en résulta fut la voiture de sport à deux places MID4, un 4 × 4 à moteur central qui fit son entrée en 1985 au salon de Francfort.
Shinichiro Sakurai et Masaru Kodaira furent placés à la tête du développement de la conception, parmi d’autres individus brillantissimes appartenant à l’équipe ayant conçu la première voiture de course à moteur central digne de ce nom : la Prince R380 chez Prince Motors, qui avait fusionné avec Nissan en 1966.
La voiture avait un châssis monocoque en acier – un système structurel grâce auquel les charges sont soutenues par la surface extérieure d’une pièce – et une suspension à quatre roues avec jambes MacPherson. Le moteur était un appareil VG30DE très récent – doté de six cylindres allant jusqu’à trois litres, avec une culasse de type VG30 reconvertie en DOHC (double arbre à cames en tête) – installé dans le sens transversal au centre du châssis, de façon compacte, comme celui de la Ferrari 308 ou de la Fiat X1/9. Un système 4RM fut aussi intégré à la voiture. Commandé par un engrenage différentiel central avec visco-coupleur, sa conception avait été confiée à la société autrichienne Steyr-Daimler-Puch AG.
L’entrée en piste de la MID4, dont le style sport « lowriding » était sans précèdent chez Nissan, rencontra un grand succès. Définie sur le marché comme une « minicar », elle fit, en effet, la une de plusieurs magazines.
La MID4-II (voir photo), une version de la voiture plus pratique qui succéda à la MID4, apparaît pour la première fois au Tokyo Motor Show de 1987.
Remplaçant Sakurai, qui avait succombé à la maladie, Miki Nakayasu fut nommé à la direction de l’équipe chargée de la conception de la nouvelle voiture. Il avait également pris part à la mise au point de la MID4 originale. Ce changement modifia considérablement le design présent dans l’ébauche fournie par le modèle antérieur. Premièrement, on mit au point un nouveau moteur trois litres VG30 DETT, alimenté par l’installation d’un refroidisseur et d’un double-turbo capable d’augmenter la puissance maximale du moteur à 30 CV. La technique de montage du MID4-II passa de la position transversale à longitudinale, le moteur en place étant désormais muni d’un support rigide placé sur le tube du couple de transmission reliant les différentiels avant et arrière. Il en résulta un renforcement de la rigidité au niveau de la chaîne cinématique ainsi qu’une meilleure répartition des masses entre l’avant et l’arrière.
La suspension fut modifiée : on plaça un double levier triangulaire à l’avant et des articulations multiples à l’arrière, ainsi que des amortisseurs doubles, à l’instar de la Porsche 959. En plus du système 4 x 4 à prise permanente, la voiture fut équipée d’un système de direction à quatre roues HICAS avec un angle de déplacement maximal de deux degrés.
La carrosserie de la voiture – dont le style chic et élégant avait été imaginé par Fumio Kuwabara et Koji Ito – se distinguait par sa tôle en acier associée à de l’aluminium et à des matériaux nouveaux comme le plastique renforcé de fibres (PRF) et le polymère renforcé de fibres de carbone (PRFC).
Compte tenu des rumeurs, en apparence fondées, circulant à l’époque au sujet de l’arrivée « imminente » de la voiture sur le marché, son niveau d’aboutissement était plutôt élevé, même à l’aune de la grille d’évaluation actuelle. Les hauts standards de son esthétique intérieure et des équipements qui la composaient ne différaient pas tant que ça de ceux de certaines voitures contemporaines de Nissan.
Pourtant, à bien y observer, on peut se demander si la voiture aurait été un succès si elle avait réellement été mise en vente sur le marché. Et pour cause, plusieurs éléments de la conception – comme l’étroitesse du pilier A et de la longrine latérale, ainsi que la largesse des ouvertures de la carrosserie – suggèrent que la rigidité du châssis était insuffisante pour une voiture à moteur central pouvant atteindre les 300 chevaux. De plus, des améliorations semblent encore possibles, notamment en ce qui concerne la performance de refroidissement et l’aérodynamisme du véhicule.
D’un autre côté, on peut affirmer que l’objectif de la MID4 ne consistait pas uniquement à remporter la victoire sur quelques courses à court terme, dans le but d’épater la galerie avec des bulletins d’information croustillants. Elle était plutôt censée être un prototype important, créé avec la même application et la même passion qu’une voiture ordinaire issue de la fabrication en usine, tout en exprimant un idéal élevé de l’automobile à haute performance du futur. Comme le précise Sakurai, qui était impliqué dans la conception de la MID4 d’origine : « Nous voulions créer une voiture que n’importe qui puisse conduire avec la même adresse et la même rapidité qu’un pro. »
De fait, la plupart de la technologie expérimentée au cours de l’élaboration de la MID4 fut réutilisée dans le développement des voitures grand public de Nissan, ce qui apporta un fort dynamisme à la « Campagne 901 » visant à hisser le niveau technologique de Nissan au rang de premier mondial en 1990. Le lancement de la plus puissante voiture de tourisme, la R32 Skyline GT-R, en 1989, en est le résultat.
Au bout du compte, la MID4 se révéla bel et bien illusoire. Cependant, à en juger de la façon unanime dont les voitures de sport haut de gamme contemporaines ont suivi la voie empruntée par le bolide, nul ne peut ignorer l’importance de son existence.
1987 Nissan MID4-Ⅱ
Moteur : refroidissement à eau, V6 bi-turbo DACT 2960 cm3
Puissance maximale : 330 ch ; 6800 tr/min
Couple maximal : 380 Nm ; 3200 tr/min
Dimensions : Longueur 4300 mm ; largeur 1860 mm ; hauteur 1200 mm
LES PLUS POPULAIRES
-
“Les herbes sauvages”, célébrer la nature en cuisine
Dans ce livre, le chef étoilé Hisao Nakahigashi revient sur ses souvenirs d’enfance, ses réflexions sur l’art de la cuisine et ses recettes.
-
Shunga, un art érotique admiré puis prohibé
Éminemment inventives, se distinguant par une sexualité libérée, ces estampes de la période Edo saisissent des moments d'intimité sur le vif.
-
Le périple enneigé d’un enfant parti retrouver son père
Le film muet “Takara, la nuit où j'ai nagé” suit un jeune garçon sur la route, seul dans un monde d'adultes qu'il a du mal à appréhender.
-
L'homme qui construisait des maisons dans les arbres
Takashi Kobayashi conçoit des cabanes aux formes multiples adaptées à leur environnement et avec un impact limité sur la nature.
-
Les illustrations calligraphiques d'Iñigo Gutierrez
Inspiré du “shodo”, la calligraphie japonaise, l'artiste espagnol établi à Tokyo retranscrit une certaine nostalgie au travers de ses oeuvres.