Wabi-sabi, l’art de l’imperfection

17.11.2019

TexteClémence Leleu

©Annie Spratt

Accepter l’imperfection et l’impermanence du monde tout en y éprouvant de la satisfaction, voilà comment pourraient se dessiner les contours du wabi-sabi, un concept spirituel et esthétique japonais. 

Wabi signifie originellement tristesse ou désolation, mais avec le temps son usage a évolué et wabi est aujourd’hui synonyme de simple ou immatériel. Quant à sabi, il faut voir dans ce terme l’éclosion du temps, le cours de la vie et l’impermanence. 

Leonard Koren, architecte et théoricien de l’esthétique, a étudié durant de nombreuses années le concept de wabi-sabi et en a tiré un ouvrage Wabi-sabi, à l’usage des artistes, designers, poètes et philosophes dans lequel il essaie de définir ce concept. “Wabi-sabi est la beauté des choses imparfaites, impermanentes et incomplètes. C’est la beauté des choses modestes et humbles. C’est la beauté des choses atypiques.

Un concept qui se vit

Mais, comme l’explique ensuite l’auteur, ce concept de wabi-sabi s’éprouve davantage qu’il ne s’explique puisque, même au Japon, une définition précise de ce terme est difficile à établir.  “C’est une notion difficile à expliquer, et bien que tous les Japonais soient prêts à affirmer qu’ils comprennent le sentiment associé au wabi-sabi, ils sont très peu capables de le formuler.”

Afin d’en faciliter la compréhension, Leonard Koren détaille dans son ouvrage trois affirmations qui résument les valeurs de ce concept : la réalité découle de l’observation de la nature, la beauté peut être obtenue à partir de la laideur et enfin, se défaire de l’impermanence et ne pas chercher la perfection et la permanence. 

Wabi-sabi et cérémonie du thé

Pour remonter à l’origine de cette notion évanescente qu’est le wabi-sabi, il faut regarder vers le XVème siècle, et plonger dans l’univers délicat et codé de la cérémonie du thé. À cette époque, la cérémonie du thé, réservée à l’élite, se veut fastueuse. Les objets utilisés pour la cérémonie sont excessivement luxueux, en provenance directe de la Chine voisine. Mais un moine zen, Murato Shuko, décide, en réaction à ce faste, d’officier des cérémonies de thé avec des ustensiles locaux et conçus de manière artisanale. Si l’idée n’a pas fait tout de suite des émules, elle est reprise au XVIème siècle par le maître de thé Sen no Rikyû, qui lui aussi remplace les luxueuses pièces chinoises par d’autres, plus sobres, locales et artisanales, et installe son pavillon de thé dans une demeure rappelant les huttes de paysans. Le wabi-sabi est né.

Dans son acception plus contemporaine, l’esthétique wabi-sabi se retrouve par exemple dans le kintsugi, cet art de réparer les objets cassés avec une délicate jointure dorée ou encore dans l’esthétique de l’assemblage des pierres dans les jardins secs japonais. Mais l’esthétique wabi-sabi se retrouve également en décoration où l’épure, les objets délicatement patinés par le temps et les couleurs très naturelles ont toute leur place dans les intérieurs.

©Ashley Van Haeften