Les vignobles de Katsunuma, aux origines du vin japonais

Dans la préfecture de Yamanashi, au pied du mont Fuji, se cache cette vallée encaissée où est produit le plus ancien vin du Japon.

08.05.2022

TexteVictoire Dufay

© Victoire Dufay

On trouve du raisin au Japon depuis plusieurs siècles. D’abord importé par les routes de la soie, sa culture s’est développée dans l’archipel grâce à un climat tempéré et de nombreuses régions ensoleillées.

Dans la préfecture de Yamanashi en particulier, la robuste variété de raisin Koshu jouit pleinement de sa situation géographique idéale au pied du mont Fuji, où il fait chaud et où la terre est riche. Mais ce n’est qu’à la réouverture du pays à l’ère Meiji (1868-1912) que le Japon s’intéresse à la production de vin.

 

Une histoire multiculturelle

En 1877, la ville de Koshu dans la vallée de Katsunuma, à la culture de raisin déjà solidement implantée, s’inspire des Européens et décide de se lancer dans la production de vin. Pour cela, rien n’est laissé au hasard : deux jeunes gens, Ryuken Tsuchiya et Masanari Takano, sont envoyés en France où ils apprennent, durant 18 mois, les techniques de la culture et de la production du vin en Champagne et en Bourgogne.

À leur retour, le premier établissement vinicole du Japon, intitulé Dainihon Yamanashi Grape Wine Company, est fin prêt, et en moins de deux ans, les premières bouteilles de vin japonais sont achevées. Plus tard, la société prendra le nom de Château Mercian : il contient le mot “merci”, par reconnaissance envers le pays qui a transmis, de loin, ses techniques vinicoles au Japon. Aujourd’hui, Château Mercian est à la tête de la production du vin japonais. Si ses chiffres ne sont pas très élevés proportionnellement à d’autres pays, ce domaine multi-primé jouit d’une reconnaissance réelle et a été, par exemple, sélectionné pour être dégusté lors de la cérémonie de couronnement de l’empereur en octobre 2019, ou encore pour être servi au sommet du G7 en juin 2021.

 

Une boisson d’abord populaire et bon marché

La boisson n’est pourtant pas un succès immédiat dans l’archipel : jusque dans les années 1950, le vin est une boisson bon marché, sucrée, consommée sans cérémonie. Il faut attendre les années 1960-1970 pour que la région de Yamanashi — menée par la ville de Koshu dans la vallée de Katsunuma, où le raisin pousse si bien — décide de se saisir de son vin en lui donnant une image premium. En 1975, un centre de promotion du vin local, le Budo no Oka (la colline du raisin) voit le jour dans un but affiché d’expansion du tourisme.

C’est un pari réussi puisqu’aujourd’hui, ce sont plus de 600.000 visiteurs qui s’y rendent chaque année, et quelques 70.000 qui viennent spécifiquement admirer les vignobles en période de vendange. La préfecture a aussi mis en place des événements liés à la célébration du vin : le Budo no Oka Festival d’Été, chaque premier samedi de juillet, et Katsunuma Vin Nouveau, le 3 novembre. Outil de revitalisation essentiel pour la région, c’est désormais un tiers de la production nationale qui y est réalisée, dans plus de 80 domaines, dont la plupart datent d’avant la Seconde guerre mondiale, étalés sur une surface de 670 hectares.

 

Une qualité labellisée

La préfecture a élaboré deux labels de qualité à l’intérieur de l’appellation « Koshu, ville d’origine » : le label de Yamanashi, désignant un vin cultivé dans la préfecture et embouteillé à Koshu, et le label de Koshu, cultivé et embouteillé dans la ville et ses abords. C’est d’ailleurs le maire lui-même qui remet chaque label, assisté par le comité d’examen. Sur le terrain, des panneaux garantissant l’appartenance aux labels sont visibles devant les champs de vignes concernés.

Toujours dans un souci de qualité, la plupart des domaines locaux ont affiché dès le départ une ambition de production la plus saine et naturelle possible. Certains domaines se tournent déjà vers le bio et le 100% naturel. Dans la vallée de Katsunuma, tout ou presque est fait à la main. On peut même voir des grappes emballées individuellement dans du papier pour les protéger, permettant aux grains de devenir énormes et très juteux, qualités recherchées en particulier pour le raisin de table. L’idée n’a jamais été de favoriser la quantité mais l’authenticité et la qualité dans la production de vin au Japon. Dans un souci de fraîcheur qui se ressent dans le goût, les vignerons n’hésitent pas à supprimer des vignes “trop vieilles” (plus de 30 ans), chose rare en France, où l’on choisit souvent de privilégier la quantité et la vitesse dans la production.

 

Des cépages proprement japonais, plus doux qu’ailleurs

Les cépages utilisés sont généralement mixtes, comprenant entre autres les français Cabernet Sauvignon et Merlot, et les japonais Koshu et Muscat Bailey A. Si la région s’est inspirée des techniques françaises pour la réalisation de cet alcool, la saveur quant à elle est très différente de la plupart des vins européens. Certains blancs secs s’en rapprochent, mais ce qui retient l’attention, ce sont les vins très doux et fruités qui sont mis en vedette dans les caves, tel le Kurambonbon, dont le nom évoque bien la douceur acidulée de ce vin étonnant.

Au moins une partie des consommateurs japonais aiment en effet sentir le goût du raisin, et est à la recherche d’une boisson gourmande à la saveur bien identifiable, sans trop d’amertume et de tannins, bien loin des attentes des palais européens. Cela n’empêche pas les gourmets japonais de maîtriser les codes des vins de France et du monde, puisqu’en en 2021, c’est une japonaise, Seika Hosokawa, qui a remporté le prix international de meilleure sommelière au Ruinart Challenge, faisant honneur à son pays, régulièrement sur les podiums de tels concours.

 

Plus d’informations sur le site internet de l’interprofession Koshu of Japan (en anglais).

© Victoire Dufay

© Wikimedia Commons - Budo no Oka (TDR)

© Wikimedia Commons - Château Lumière (TDR)

© Wikimedia Commons - Fukasawa tunnel (TDR)