Adolescence, sexualité et vol de l’innocence
Les jeunes femmes auxquelles Ai Yamaguchi donne vie dans ses peintures embrassent des identités variées, passées et présentes, avec poésie.

“Tsuki wa kakureta” (2011-2012)
Ai Yamaguchi a le don d’associer les surfaces, les courbes, les références, les périodes. Dans ses peintures, les jeunes prostituées caractéristiques de la période Edo rencontrent le monde du manga et de l’anime, celui du Superflat, du pop et du kitsch de la culture kawaii. Mais, loin de Yoshitomo Nara ou de Takashi Murakami, l’artiste utilise ces codes afin d’interroger, en l’occurrence l’innocence volée à ces jeunes filles.
Quelles vies ?
Ai Yamaguchi dépasse les dimensions, les formats, les plans, et s’affranchit in fine de la question des perspectives, sur le fond, et sur la forme. Les deux « écoles » associées par l’artiste ont dans leur ADN une dimension érotique qu’Ai Yamaguchi questionne à sa manière. L’univers inspiré de récits de jeunes courtisanes, ou prostituées, de la période Edo, met en lumière des adolescentes prépubères, unies et passives. Derrière leurs longues chevelures noires, ces jeunes filles ont pour trait commun une expression affichée, elles partagent un sentiment de tristesse, d’envie d’échapper à leur destin, qu’elles ne maîtrisent pas. Elles sont par ailleurs (trop) à l’aise avec leur nudité, qui leur semble égale.
« A la période Edo, les préjugés sexistes étaient omniprésents. Fait intéressant, dans le monde du yukaku [celui des quartiers rouges], les femmes étaient considérées comme socialement dominantes par rapport aux hommes. C’est quelque chose d’intrigant, et cela se reflète dans mon travail », expliquait l’artiste dans Hi-Fructose Magazine à l’occasion d’une exposition à la Joshua Liner Gallery.
L’esthétique et la technique soignée des œuvres d’Ai Yamaguchi, ses différents niveaux d’appréciation, de lectures, permettent d’interroger l’évolution de la société, le chemin parcouru dans la libération des (jeunes) femmes, et ce qu’il reste à faire.
Ai Yamaguchi est représentée par la Mizuma Art Gallery.

“Tokiwa” (2014)

“Hebi wa tsururu” (2013)

“Yoinomani” (2008)

“Michi sugara” (2010)

“Haru demo aki demo nai fuyu” (2014)
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