Ciseler l’univers dans du papier

Une exposition célèbre les multiples techniques qui ont placé le papier au rang d'art, de l'origami à la sculpture et au “kirie”.

25.12.2024

TexteHarold (X : @harold_1234)

Ayumi Shibata, vue de l'exposition. Photographie : Harold (X : @harold_1234).

En dépit d’une digitalisation croissante, le papier reste un élément incontournable du quotidien. L’exposition Micro and Macro Universe of Paper Art au Ichihara Lakeside Museum (département de Chiba) lui rend hommage jusqu’au 13 janvier 2025.

Trois artistes à l’approche différente du matériau, de l’origami à la sculpture en passant par le kirie (art de la découpe) sont à y retrouver. Voici un aperçu de leurs oeuvres qui repoussent les limites du papier.

Tomoko Fuse, artiste phare de l’Origami Art aux paysages naturels de papier

Tomoko Fuse, “Mukumuku et Nejineji”, 2024. Photographie : Keizo Kioku. C’est à l’âge de huit ans, alors qu’elle était hospitalisée pour cause de maladie, que Tomoko Fuse a découvert l’art de l’origami, grâce à un livre que son père lui avait offert. Aujourd’hui, elle ne se limite pas à la création artistique : elle conçoit également des produits industriels et s’illustre comme une artiste d’origami de renommée internationale.

Pionnière de l’« origami modulaire » qui assemble plusieurs éléments en un seul, Tomoko Fuse est connue pour ses techniques novatrices comme le pliage infini ou le pliage en spirale.

Parmi les œuvres présentées dans l’exposition, “Mukumuku et Nejineji” a été conçue avec une technique de pliage à plat, ce qui lui confère un côté unique. Elle se compose de Mukumuku, d’élégantes sculptures blanches telles des créatures au cou légèrement tordu, et de Nejineji, 300 modules bleus et jaunes pliés à partir de trois types de carrés et disposés sur le sol. Observés un certain temps, ces cônes et spirales en viennent à évoquer les montagnes et rivières qui entourent le musée, comme autant de collines et cours d’eau miniatures. 

Tomoko Fuse, “Mukumuku et Nejineji”. Photographie : Harold (X : @harold_1234).

Tomoko Fuse, “Mukumuku et Nejineji”. Photographie : Harold (X : @harold_1234).

Contempler la Terre depuis l’espace, Noriko Ambe et ses couches géologiques lumineuses

Noriko Ambe, “White Night” (en collaboration avec Taira Ichikawa), 2024. Photographie : Keizo Kioku. Après avoir passé 15 ans à New York à partir de 2004, Noriko Abe s’est distinguée par son “Cutting Project”, où elle explore les relations entre la nature, l’humain et le temps à travers la création de strates géologiques. Elle est également connue pour sa série “Book Cuttings”, où elle coupe à l’aide d’un cutter dans des livres, journaux et autres matériaux pour donner naissance à des œuvres au style unique.

Noriko Ambe, “White Night” (en collaboration avec Taira Ichikawa), 2024. Photographie : Keizo Kioku.

En empilant des centaines voire des milliers de feuilles de papier découpées à main levée, l’expression artistique de Noriko Ambe confine à la sculpture. Ici, elle collabore avec le créateur de lumière Taira Ichikawa pour créer “White Night”, une nouvelle œuvre de sa série Projet de strates géologiques, initiée en 1999. 

Installée sur une table et éclairée par Ichikawa, cette création consiste en une répétition aléatoire de strates tridimensionnelles créées en découpant et en superposant du papier Yupo à différentes hauteurs. Ces strates, telles des continents de papier, créent un paysage à la fois délicat et dynamique, sublimé par l’installation lumineuse qui l’éclaire en reproduisant le mouvement du soleil. Les visiteurs sont transportés dans une expérience immersive, comme s’ils observaient la surface de la Terre depuis l’espace. Ou plutôt celle de la Lune, rappelée par les nombreux trous parsemant le papier et semblables à des cratères.

Noriko Ambe, “White Night” (en collaboration avec Taira Ichikawa), 2024. Photographie : Harold (X : @harold_1234).

“Poème de vie” d’Ayumi Shibata, quand “kirie” et lumière tombent du ciel

Ayumi Shibata, “Poème de vie”, 2024. Photographie : Keizo Kioku. Ayumi Shibata a étudié la gravure et les techniques mixtes à la National Academy School de New York. En 2015, elle s’est installée à Paris, où elle a exposé et créé pendant deux ans au sein de l’Atelier 59 Rivoli, géré par la ville. Elle a également participé à des événements prestigieux, tels que la Triennale internationale d’art du papier en Allemagne (2018) et la Triennale de Kogei (artisanat) au 21st Century Museum of Contemporary Art de Kanazawa (2019).

Ayumi Shibata, “Amano Iwato-biraki”, 2019. Photographie : Keizo Kioku.

C’est après avoir découvert les vitraux d’une église new-yorkaise qu’Ayumi Shibata a débuté sa pratique du kirie. Pour cette exposition, elle présente “Poème de vie”, une installation monumentale suspendue dans un espace de neuf mètres de hauteur.

Ces découpes délicates, en forme de boules plutôt que de cercles, sont reliées entre elles par des fils et éclairées telles des lustres pour donner l’impression d’une explosion d’énergie vitale. Shibata expose également “Amano Iwato-biraki” et “Hagoromo” des œuvres de cinq mètres de large tout aussi spectaculaires où la délicatesse de l’exécution du kirie n’a rien à envier à l’illusion onirique suscitée par l’ensemble.

 

L’exposition Micro and Macro Universe of Paper Art rappelle que dans les temps anciens, le papier était au Japon considéré comme un yorishiro, un objet où venaient séjourner les divinités et auquel les hommes pouvaient se confier. Cette connexion entre l’homme et le divin, ou le micro et le macro, se ressent d’autant plus dans les oeuvres exposées au Ichihara Lakeside Museum, qui célèbrent la richesse et la polyvalence d’un matériau intemporel.

 

Micro and Macro Universe of Paper Art, une exposition qui a lieu jusqu’au 13 janvier 2025 au Ichihara Lakeside Museum.

Ayumi Shibata, “Poème de vie Hi” et “Poème de vie Mi”, 2023. Photographie : Harold (X : @harold_1234).

Ayumi Shibata, “Amano Iwato-biraki”, 2019. Photographie : Harold (X : @harold_1234).

Ayumi Shibata, “Kami no te no naka — Poème de vie 3”, 2022. Photographie : Harold (X : @harold_1234).